SOCIÉTÉ NATIONALE DES BEAUX-ARTS LA RÉTROSPECTIVE CARRIÈRE Carrière mort, la Société Nationale est découronnée. C’est un hommage inspiré par la plus pieuse pensée, que d’avoir groupé à la hâte une trentaine de ses dernières oeuvres en une salle qui porte son nom. Toutes ne sont point d’égale valeur. Et il convient d’attendre l’exposition plénière de l’École des Beaux-Arts afin de porter sur le portraitiste de Verlaine le jugement définitif. Ce que nous devons dire, c’est que rarement peintre fut moins compris que Carrière. On cria, vingt années, au parti pris mono-chrome. « Carrière, répétaient les Béotiens, n’est pas un colo-riste… Jadis, quand il a peint des enfants, hauts en couleur, joyeux, ébouriffés, ou de beaux garçonnets jouant avec un caniche, il évoquait la vigueur drue de Franz Hals, la distinction hautai-nement racée de Velazquez. Mais, depuis qu’il a renoncé aux vraies joies de la palette, c’est un poète, un psychologue, un penseur, non pas un peintre… » Quelle étrange erreur ! Hé oui! si Carrière l’eût voulu, doué à ses débuts d’un talent qui rappelait aux amateurs les formes d’art auxquelles leur oeil était accoutumé , il aurait atteint à la célébrité, au succès, à la fortune. Mais il visait plus haut. Il renonça à jamais aux séductions de la virtuosité ; il se priva des touches roses, des accords argentés, dont il usait avec un charme délicat. Il conçut que les fêtes sen-suelles de la couleur nuisent à l’expression morale, à la signifi-cation profonde. Loin d’obéir au désir puéril de se singulariser, c’est volontairement, par l’effort logique d’une résolution mûrie, qu’il adopta les moyens de l’estompement et de la monochromie.