LA PEINTURE 59 recréant en un mot cette confraternité d’études qui existait certai-nement plus au xvi. siècle que de nos jours? Sur ce point, l’État pourrait intervenir utilement, et pour tous il y aurait grand bénéfice à faciliter les échanges d’idées et de connaissances. Pour me résumer, l’État, s’il aide l’artiste, doit avant tout respecter sa liberté, lui laisser le choix de voyager ou de demeurer à sa fantaisie, ne pas lui tracer d’avance de programme, ne pas lui imposer d’idéal , mais reconnaître et encourager l’idée originale sous quelque forme qu’elle se présente. Et l’artiste, de son côté, ne doit pas s’isoler ni rester en marge de la vie sociale. Il a considéré trop longtemps son art comme sans lien avec les autres formes de la pensée; et lui-même on l’a traité trop volontiers comme un enfant gâté, amusant et un peu inquiétant, fantaisiste et tapageur. Il ne s’agit pas du tout de l’embourgeoiser; mais il importe qu’il se fasse une idée plus haute de sa dignité et de sa fonction . Nous avons tout intérêt à nous rapprocher de lui, parce que ses intuitions soudaines nous découvrent bien des choses où nos rai-sonnements n’atteignaient pas; — mais il a aussi quelque chose à gagner à se rapprocher de tous les hommes sincères qui tra-vaillent chacun dans leur ordre. En tout il faut retrouver le sens de la collaboration nécessaire et naturelle de toutes les activités humaines. Il faut briser les barrières factices qui séparent les classes et les castes. Il faut que les hommes se rapprochent pour que l’humanité ne soit pas qu’un mot vide de sens. Mais ces réflexions m’ont entraîné un peu loin du Salon annuel. J’y reviens. Le Coin de bataille, d’Hoffbauer, est une oeuvre où la recherche de l’effet l’emporte un peu trop sur l’amour de la vérité; elle donne l’impression d’un puissant décor de théâtre. Le Cam-pement dans la montagne de M. Gourdault, avec la tache heureuse que font deux chevaux blancs dans la nuit, me paraît aussi d’un format trop grand pour l’intérêt qu’il présente. Les Trainards de la caravane, de M. Cabanes, sont très adroitement dispersés en groupes pittoresques sous le mystère bleuâtre de la lune. Parmi