58 LES SALONS DE 1904 nelle et dans le milieu social que l’on devra exprimer. Mais qui sait d’où peut venir l’illumination soudaine ? la vibration sympa-thique qui, à travers les âges, suscitera chez le jeune homme d’au-jourd’hui des facultés dormantes encore ? Sera-ce Velasquez à Madrid, ou Raphaël au Vatican, ou Giotto à Padoue, ou Rubens à Anvers qui lui apportera la révélation féconde ? qui peut le prévoir ? Qu’il voyage donc avec son esprit et sa réflexion plus encore qu’avec sa palette. En étudiant les maîtres dans les musées, qu’il étudie aussi les hommes vivants et la nature éternelle. Qu’il comprenne et sente sur place le lien qui rattache l’oeuvre d’art au milieu naturel et social qui l’a produite. Il ne sera plus tenté de la concevoir comme quelque chose d’impersonnel et d’abstrait en dehors du temps et de l’espace : il ne sera plus tenté de faire parler à l’art français le langage de l’Italie, si beau qu’il soit, mais, en se confrontant avec des êtres différents, il prendra une conscience plus complète de son hérédité. Ce qui serait encore désirable, c’est que l’artiste ne fût pas trop isolé, trop abandonné à lui -même dans cette tournée de noviciat qui peut être pour lui très féconde, mais qu’il trouvât, dans les prin-cipales villes où l’art a laissé de grands souvenirs , une sorte de refuge et de foyer intellectuel. Il faudrait qu’il fût préservé des difficultés banales, des tâtonnements inutiles, des pertes de temps. Ce que je dis là s’applique d’ailleurs à tous les travailleurs, aux ouvriers d’art, aux écrivains comme aux peintres. On y arriverait aisément par une entente internationale. Ce qu’un voyageur isolé n’ose pas faire par discrétion , il le ferait, s’il y était autorisé par un échange réciproque de bons procédés, établissant entre les travailleurs des divers pays une entente cordiale. Comme il y eut autrefois des passeports diplomatiques , ne peut -on concevoir un passeport artistique ou scientifique, recommandant l’artiste ou le lettré à ses confrères étrangers, lui donnant facile accès aux musées, aux cabinets d’estampes, aux bibliothèques, lui assurant l’aide obli-geante des conservateurs s’il a besoin de quelque explication IND ART DOC