LA PEINTURE 55 de la vie. Nul concours ne saurait prouver la puissance de création neuve qui est la chose du monde la plus insaisissable et qui échappe le plus à l’analyse. Est-ce le séjour à Rome qui, par miracle, éveillera en eux cette puissance ? Je veux bien que Rome soit une admirable école de force et de grandeur. Encore faut-il que l’esprit soit préparé à entendre sa leçon. Rome ne se livre pas d’elle-même; il faut la conquérir lentement. Ce qu’elle contient de beau, de grand et de pur est engagé dans une gangue ; ce n’est pas là ce que l’on voit d’abord. Le théâtral et le factice s’y étalent au premier plan. Les artistes, qui sont des êtres d’instinct et de sensibibité, manquent souvent de culture générale. Qui sera chargé de les initier à la compréhension des vrais chefs-d’œuvre? de les guider dans le labyrinthe de choses contradictoires, de leur faire discerner l’art grec de ses contrefaçons? Ils seront tentés d’aller d’abord vers ce qui attire les yeux ; ils seront séduits par l’élo-quence théâtrale et pompeuse du Bernin et de tous les grands faiseurs qui ont encombré les places et les églises de leur fastueuse décadence. Il faut bien croire que cet art a ses prestiges et que son langage sonore se fait mieux entendre que le conseil discret de la vérité, puisque notre sculpture actuelle vise de plus en plus à la boursouflure agitée, grandiloquente et creuse. Rome, qui devrait sauver et garantir, corrompt souvent dans sa source le goût de ses hôtes. L’institution, qui eut en d’autres temps sa raison d’être, paraît donc aujourd’hui décrépite et caduque : peut-être pourrait-elle subsister, mais à la condition d’être profondément renouvelée et rajeunie. C’est pour l’avoir constaté sans doute que l’État voulut varier ses moyens d’encouragement et les assouplir. Il comprit qu’il faut, tout en aidant l’artiste, respecter sa spontanéité, ne pas le mettre en tutelle et lui assurer, sans tyrannique ingérence, les moyens de se développer dans le sens de son désir et de sa nature. L’art antique est sans doute la source la plus haute et la plus belle, mais il y a d’autres points de départ pour les tempé-