46 LES SALONS DE 1904 dant le renouveler en étudiant sur le vif les caractères très recon- naissables encore aujourd’hui de la race primitive, telle qu’elle se retrouve assez peu mélangée autour du Massif central ? Un peu de vérité ethnique peut parfaitement se concilier avec l’art. Il y a certes plus de recherche personnelle, et le talent n’est pas contestable, dans le plafond que M. Gervais a peint pour la biblio-thèque d’un château. Cette oeuvre s’intitule : Vers la lumière. De fort jolies femmes, habilement groupées dans le ciel, figurent, je pense, les étoiles, ou les sciences, ou les vérités que le génie humain s’essaie à découvrir. C’est à la fois ingénieusement décoratif et bizarre. Des coupoles de métal doré se découpent dans l’air d’une façon désagréable et sèche. A côté de figures qui planent avec grâce, d’autres, réelles, assises ou debout, nous donnent le vertige. Il faut que ces savants aient la tête bien solide pour ne pas la perdre sur ces hauteurs. Avec cela, beaucoup d’adresse, un charme réel — dans ces nus librement traités, fleuris de lumière rose et blonde (avec parfois trop d’insistance) — surtout dans les groupes du second plan, caressés de violet et de gris, dans le passage des teintes chaudes à des lueurs froides et blanches. Cette fantaisie adroite et riante fait un peu penser à Besnard. Mais il y manque le grand goût et le sens supérieur du style qui apportent au plus libre caprice la clarté et le sérieux de la pensée. Ce n’est pas seulement léger, c’est un peu frivole, et ne laisse guère à l’esprit que l’impression d’une agréable et ingénieuse illustration. Je citerai encore un triptyque de M. Henri Royer, De Naçarelli au Calvaire, où l’artiste a représenté, sans grande nouveauté, mais avec une gravité douce et tendre, trois moments essentiels de la vie de la Vierge ; un panneau décoratif de Rapin, les Juifs récoltant la manne ; d’Hippolyte Flandrin, une scène d’un beau sentiment religieux, Jésus pleure sur la ville, et d’Adrien Demont, la Tentation sur la montagne, où le paysage, qui ne manque pas de grandeur, rachète un peu la bizarrerie de la conception et l’indigence des figures. La Vertu domestique, de Gontier, mérite qu’on s’y arrête plus