LA PEINTURE 45 beaucoup plus vraie et plus gracieuse que les allégories qui l’en-tourent. A droite, une autre figure volante vient enlacer une branche de vigne aux montants de la lyre ; et cela signifie sans doute que le jus de la treille récompense le travail et produit la chanson. On passerait volontiers sur l’obscurité de l’intention, si l’atmosphère était plus légère, si la lumière répandait sur ces figures un peu massives un rayonnement d’allégresse. Mais le blond doré prodigué dans les parties claires ne chante pas, le bleu du ciel reste opaque, malgré la division de la touche. La draperie de la vigne est d’un ton vineux et rêche. Empêtrée dans la matière, la strophe lyrique manque d’essor et ne s’élance pas du vol énergique des idées heureuses. Pour décorer la salle des mariages à l’hôtel de ville lillois, M. Sinibaldi a peint une grande page décorative, « les Noces gauloises s. On connaît la légende d’après laquelle, chez les Celtes nos ancêtres, la jeune fille offrait la coupe d’hydromel au fiancé que son coeur avait choisi. L’artiste a pris cette donnée touchante et gracieuse pour motif central de sa composition, qui se développe en longueur au bord d’un fleuve. A droite et à gauche un groupe de vierges portant des rameaux fleuris, des chasseurs et des guerriers qui se reposent à l’ombre ; des tètes d’ours, d’aurochs et de san-gliers fichées aux troncs des arbres, des chevaux, des armes, des enseignes. Tout cela est vivant, animé, pittoresque. Les diverses parties, subordonnées à la scène principale, se distribuent heureu-sement dans l’espace, avec un laisser-aller qui ne sent pas l’effort et ne manque pas de naturel. L’ordonnance facile et claire satisfait donc l’esprit, et la couleur, sans éclat trop vif, est harmonieuse. Je critiquerai seulement certaines attitudes qui me semblent un peu conventionnelles, comme celle de ce guerrier gaulois qui fait saillir tous ses muscles pour s’appuyer sur une enseigne. On vou-drait que dans les figures la nature fût serrée de plus près, que le geste se montrât plus imprévu et plus naïf. Je sais bien que le Celte chevelu, moustachu et farouche s’impose presque d’office à l’imagination de l’artiste, en pareille matière. Ne pourrait-on cepen-