18 LES SALONS DE 1904 n’est pas assez visible : il est ou trop lâche ou trop fort, selon que l’artiste a voulu représenter un rapprochement fortuit ou quelque réunion d’affaires. Il n’en reste pas moins que presque tous ces por-traits ont un puissant caractère, qu’en tant que tableau, l’oeuvre est fortement conçue et menée jusqu’au bout avec une belle fermeté, et qu’on oublie volontiers ses réserves pour admirer l’unité et la logique de l’effet lumineux. Je citerai encore deux portraits robustement et franchement peints, celui de Gumery par R. Woog, et celui de R. Woog par Gumery. Jean Veber veut nous faire rire en déformant légèrement les traits de ses modèles : il y réussit à souhait. La curiosité ira encore de la verve piaffante et caracolante de Boldini au style calme et réfléchi de René Ménard, de la manière cordiale et simple de Sain, qui expose avec un bon Portrait de jeune fille, de gracieuses Pêcheuses de moules, à la synthèse hardie du Russe Kousnetzoff, et s’arrêtera volontiers devant un fort aimable Portrait de famille que G. Lambert nous présente dans un paysage d’Écosse. Et voici le groupe serré des intimistes, qui savent nous intéresser à l’allure familière des choses et nous font, en sourdine, de jolies confidences. Une jeune femme qui se chauffe, une autre qui cherche des rubans dans un tiroir, il n’en faut pas plus à Saglio pour évo-quer l’habitude tranquille d’une existence. Le Sidaner s’affranchit du parti pris d’exécution tapotée qui ne laissait voir les choses qu’à tra-vers une vitre dépolie. Sa facture plus large laisse plus librement s’épancher la lumière. Ses intérieurs vides semblent habités par l’esprit des absents. Le Dessert, posé sur la table, attend ceux qui le goûteront. La Terrasse, réchauffée d’un si doux soleil, regrette les lentes promeneuses qui, tout à l’heure, s’y accoudaient. Cet art possède un secret très subtil, celui de montrer l’invisible et de sug-gérer plus qu’il ne dit. L’esprit des choses est ce qui se dégage d’elles quand on les regarde avec une attention amoureuse et com-préhensive, ce langage inentendu des sots et qui échappe aux sèches constatations du réalisme, nul ne l’entend mieux que Madame Lis-D