‘4 LES SALONS DE 19o¢ épanoui et lourd, et surtout la table chargée de fleurs et de fruits, dont le peintre encombre le premier plan de sa toile est un accessoire plus qu’inutile. Avec son animation reposée, sa couleur argentine et soyeuse, la grâce éveillée des figures, l’autre toile de Caro-Delvaille, Ma Femme et ses Soeurs, et tout à fait plaisante. Les jeunes filles groupées autour d’un jeu d’échecs, une qui passe si légère au fond de la pièce, les natures mortes, tout est délicatement touché, empreint de grâce apaisée et riante. Mais une jeune mère allaitant son enfant fait remplissage, découd l’unité et disperse l’attention. Malgré tout, le charme y est; les deux oeuvres manquent d’unité, mais elles sont pleines de talent et de promesses. J’arrive à un groupe d’artistes qui ont apporté dans notre école une volonté originale, se sont fait une place bien à part, et marchent délibérément dans la voie qu’ils ont choisie. Rapprochés par des affinités naturelles, ils ont chacun leur caractère personnel. Cottet a plus de bonhomie et de sève paysanne, se tient plus près de la nature ; il est délicat avec une rudesse apparente et saisit volontiers le côté âpre des choses. Peintre attitré de la Bretagne sévère, il nous redit encore avec ampleur, avec finesse, les courbes allongées et la désolation de ses rivages. Dans son Jour de file, il ajoute à cette vérité nue, la gaieté tendre et bigarrée des costumes, dont la gamme claire chante au soleil d’été. Le grand ciel, la vaste lande jalonnée par des groupes, l’église brunie et tassée à l’ombre des grands arbres, tout cela est juste, ferme et vibrant : une nature morte au premier plan est un régal de couleur blonde et chaude. Pourquoi cette vibra-tion s’arrête-t-elle aux costumes et aux figures du groupe central ? Pourquoi cette lourdeur des coiffes, cette crudité de tons, surtout cette immobilité morne et figée des visages ? Comme tout cela est plus léger, plus souple et plus nuancé dans la nature ! J’entends bien que ces vivacités s’apaiseront, mais les rapports resteront les mêmes, et ce qui manque ici, c’est la souplesse des valeurs et des passages, c’est l’enveloppe qui harmonise tout. Lucien Simon est un esprit lucide et tranchant qui dit nettement •