78 LES SALONS DE 1903 comme silhouette, à la plupart des autres oeuvres. M. Ségoffin s’est proposé de symboliser, en deux figures, l’Homme et la Misère humaine. L’idée n’est pas autrement douce à caresser, même avec un ciseau, mais la sculpture n’est pas forcément vouée à l’optimisme ; de même que des images perpétuellement désespérantes, un éternel sourire amènerait la lassitude. Cette idée de la Misère a hanté plus d’un sculpteur. Les uns ont exhibé des groupes réalistes et attristants qui auraient plutôt réussi à faire prendre la misère en grippe qu’à attendrir sur elle. Au contraire, Desbois, naguère, en a taillé dans le bois une image terrible, semblable aux plus saisissantes conceptions du moyen âge. M. Ségoffin a groupé deux figures d’un sentiment dramatique et de l’exécution la plus robuste. Son groupe est certai-nement d’un effet émouvant. Maintenant, le léger défaut que l’on Pourrait signaler, c’est qu’une pareille composition pouvait tout aussi bien, au gré de l’artiste ou du spectateur, représenter l’Inquiétude, ou l’Obsession ou toute autre idée de ce genre. Tel est l’inconvénient, en sculpture, d’un point de départ trop abstrait. Autre exemple, notablement inférieur : M. Chorel a voulu, nous dit la pancarte, raconter, en deux figures : L’homme se dégageant de l’emprise de la femme. Sans cette explication, nous aurions pu penser à quelque scène de jalousie un peu mouvementée, voilà tout. Le groupe de Mademoiselle Camille Claudel n’est pas moins philosophique de tendance, mais on y voit assez clairement que l’homme est entraîné par une figure inexorable, et suivi par une autre figure qui le veut retenir, en se traînant sur les genoux. La composition, admirable de ligne et de mouvement, se dispenserait d’explication, car elle est émouvante, triomphante à l’extrême. On peut y voir l’homme entre ses destinées, celle qu’il sait cruelle, et celle, douce et aimante, qu’il n’a pas su voir, ou toute autre idée de ce genre. Mais il suffit que cette oeuvre d’une grande artiste cause une vive impression. Un peu de vague ne messied pas à la terreur. Il n’y a point d’autre sujet dans la Pesée, de M. d’Houdain, que l’étude de l’effort physique, et cela suffit pour nous montrer une belle D •