74 LES SALONS DE 1903 mythologiques, allégoriques, plus ou moins conventionnels, demeurent inférieurs aux tentatives directement inspirées de la vie. J’entends qu’ils demeurent inférieurs quant à l’effet produit, à l’émotion sug-gérée, car dans la moyenne, les mérites d’exécution demeurent à peu près équivalents. Il ne faudrait pas trop se hâter de conclure que le renouvellement de la statuaire française résidera dans l’emploi des blouses, des jaquettes et des robes-tailleur. Le plus saisissant de ces envois est le beau monument funéraire à la mémoire du prince Henri d’Orléans, par M. Antonin Mercié. Il faut louer ce maître d’avoir conservé le goût de la simplicité et d’en donner un aussi bel exemple. Le prince, dans son costume d’explora-teur, est étendu à terre, et se soulève pour exhaler le dernier soupir, la main crispée sur la carte déployée à laquelle il demandait le chemin qui le conduisit à une glorieuse mort. Dans cette oeuvre, rien de trop, ni dans le sentiment, ni dans l’exécution ; c’est d’une mesure et d’une tenue parfaites. Le costume moderne ne donne à la figure aucun caractère anecdotique, ce qui pouvait être à redouter ; et de ce mou-vement et de ce modelé également simples, résulte une réelle et pénétrante émotion. M. Sicard s’est également distingué avec une oeuvre directement inspirée de la vie et des types de son temps. L’artiste avait reçu la commande d’un fronton pour la décoration du lycée de jeunes filles de Tours, sa ville natale. Redoutant l’obligation de livrer le tra-ditionnel mélange d’armoiries et d’allégories, il n’accepta qu’à la condition d’être maître entièrement de son sujet. L’administration artistique et l’administration académique consentirent, non sans de vagues appréhensions, mais enfin consentirent, car M. Sicard, par droit de talent, est bien vu dans son pays et il y est même, contraire-ment au proverbe, un peu prophète. Le résultat a été ce charmant haut relief de l’Étude où l’on voit, sous les ombrages de la cour de récréation, des jeunes lycéennes, bien de notre époque, aux types très caractérisés, vêtues du sarrau de travail par-dessus la robe de ville, lire, se promener ou méditer.