56 LES SALONS DE 1903 peintures de mœurs exotiques, arabes, orientales, etc., faute d’en pouvoir faire, vu leur nombre restreint cette année, une catégorie spéciale. Elles ne se trouvent, en effet, guère représentées que par le tableau un peu vague de dessin, mais curieux d’ensemble de M. Frai-pont, Théâtre populaire annamite. Puis par les deux petites peintures de M. Gérome qui sont, au contraire, la précision même. La Prédi-cation dans la Mosquée est un de ces tableaux minutieux, exacts et curieux qui nous plaisent mieux que ceux où le maître se livre à l’allé-gorie ou à la fantaisie pure, car dans ce dernier cas, ses qualités de rigoureux fini contrastent justement avec le caprice et l’entravent. Dans cette Prédication, les costumes, les attitudes, le rendu des murailles avec leur revêtement de claires faïences, tout cela est d’une netteté remarquable et demeure d’un métier exemplaire. Cependant nous trouvons beaucoup plus d’agrément à l’autre petit tableau, Vue de Médinet-el-Fayoum (Haute-Égypte), qui tient à la fois du paysage et de la peinture de mœurs. La tonalité bleuâtre du tableau est douce et reposante, et rien n’est plus agréable et plus amusant à regarder que les petits groupes de femmes qui le parsèment, les unes se rendant à l’eau avec leurs grandes jarres de forme quasi biblique, les autres paresseusement arrêtées dans quelques futiles entretiens. Cela donne l’idée d’une vie pour ainsi dire rétrospective, car l’on sent, et M. Gérome l’a parfaitement exprimé, que paysage et êtres n’ont pas changé ici depuis des siècles. Un esprit du même genre règne dans la toile de M. E. Weeks, la Princesse du Bengale reçoit le Prince de Perse. Sous couleur de nous évoquer une scène des Mille et une Nuits, M. Weeks a évidemment pris des personnages et un lieu actuels, empruntés à ses nombreux voyages en Asie, et c’est précisément ce qui fait l’attrait en même temps que la vérité de sa scène. Cette toile suffirait pour nous fournir une transition entre la peinture de mœurs proprement dite et celle qui mélange dans des proportions très diverses, très inégales, la réalité et la fantaisie, les types de notre temps et les costumes d’une autre époque, ou même d’aucune époque.