46 LES SALONS DE 1903 couleur encore bien moins séduisante dans une autre peinture de moeurs se rapportant également à des préoccupations mystiques, mais le sentiment en est singulièrement plus intense. Nous voulons parler de la Lecture de la Bible, par M. Dierckx. La scène se passe, cette fois, franchement chez des paysans. Les types sont grossiers et rudes ; la peinture est dans une tonalité sombre de gros bleu, ce gros bleu des blouses de cultivateurs. Le tableau n’est pas des plus agréables à regarder, mais il est d’une vérité rare. Il y a notamment un vieux bonhomme, le chef de la famille, une tête taillée, comme on dit, à coups de serpe, qui respire l’attention et la foi la plus profonde. Cela est vu vraiment et simplement. Un pareil bonhomme a eu pour ancêtres tels héros ou tels fanatiques que l’on pourrait désigner, et il serait prêt comme eux, l’occasion aidant, à renouveler leurs exploits, et toute cette famille qui l’entoure marcherait avec lui sans hésiter. C’est un tableau excellent, encore qu’un peu grand, et tout à fait à l’honneur de cette École flamande actuelle, si sérieuse et si robuste. Autre tableau encore de la vie de l’âme, et qui est peut-être, de tous ceux du Salon, le plus vraiment ému, le Viatique, par M. Émile Renard. Dans une cellule de Bénédictins, une religieuse est mourante, et un moine, en habits sacerdotaux, lui apporte la communion. Deux autres religieuses assistent leur compagne avec douleur et avec ferveur ; une quatrième à l’écart prie dans l’ombre. La lumière qui éclaire ce tableau est à la fois mystérieuse et véri-dique. L’expression, d’une grande beauté, réside non seulement dans les visages, mais encore dans les attitudes et dans toute l’atmosphère du tableau, qui est fortement et délicatement peint. Dans un tout autre ordre d’idées picturales, cette oeuvre évoque cependant le souvenir du célèbre tableau de Philippe de Champaigne, la Mère Angélique Arnauld, et c’est beaucoup, par le temps actuel, d’avoir rappelé quelque peu du sentiment d’une pareille page. Ce Viatique fait le plus grand honneur à M. Émile Renard, car l’artiste