40 LES SALONS DE 1903 enchanter les Athéniens. La vérité d’un geste familier, la grâce calme d’une attitude où s’exhale le sentiment pur de la vie, nous parleraient plus que des tragédies surannées ou des mélodrames indigestes. Constantin Meunier a trouvé dans la vie populaire des expressions magnifiques de force et de simplicité ; Rodin a fait parler à ses figures l’éternel langage du désir et de la passion. Chaque temps a sa façon de sentir qui se traduit à la fois par le costume, les inflexions de tête, l’air du visage et l’allure générale du corps. Et sans doute la sculpture, cet art synthétique, ne peut entrer dans le détail de nos moeurs ni dans l’analyse de nos manières d’être. Qui pourrait nier cependant que l’attitude contenue et comme repliée sur elle-même, d’une statue gothique, ne signifie la vie intérieure de ce temps aussi clairement que le déploiement fier et calme de la vie musculaire, dans une statue grecque, manifeste la vie antique en sa conformité profonde avec la nature ? Une statuaire ne peut vivre sans une idée générale, sans une conception d’ensemble qui la sou-tienne. Autrement, nous n’avons affaire qu’à de pauvres corps, à des modèles déshabillés, à des nus grelottants dont l’étalage a je ne sais quoi de pénible. Cet effort de pensée, je le surprends ici en ses pre-miers balbutiements, et c’est ce qui me rassure. Combien je préfère ces essais, tâtonnants encore aux assurances pédantes, aux banalités théâtrales dont le pire défaut n’est pas d’être inutiles. Aux époques de transition, il ne faut pas demander des oeuvres définitives. Il est bon qu’une conquête nouvelle sur la nature se fasse par lentes approches, par investissements successifs. Et c’est pourquoi la sculpture de la Société Nationale, qui paraît pauvre à beaucoup de visiteurs parce qu’elle occupe peu de surface, me paraît singulièrement vivante et riche, par tout ce qui s’agite au fond. MAURICE HAMEL.