LA SCULPTURE A SCULPTURE…, mais comment juger la sculpture isolée du monument auquel elle devrait se relier par le style et par le rythme, et sans lequel elle a si rarement sa raison d’être ? L’histoire de la sculpture au xix’ siècle (et je ne vois pas de raison pour qu’il n’en soit pas de même au xx°) est celle de quelques individus de génie en lutte doulou-reuse et parfois tragique avec des circonstances défavorables et l’in-compréhension générale qui en résulte. Le défaut d’une architecture originale, et par suite d’un style monumental, a mis nos statuaires dans un état d’infériorité flagrant avec ceux des siècles passés, que l’on pense à l’antique, à la Renaissance ou même au xvin° siècle. Si quelques talents supérieurs se sont élevés au-dessus du niveau commun par l’énergie de l’invention personnelle, ils n’ont pu se déployer avec ampleur et continuité. La Marseillaise et la Danse restent des frag-ments isolés qui jurent avec ce qui les entoure. Il aurait fallu que l’Arc de Triomphe fût à Rude, l’Opéra à Carpeaux, le Panthéon à Puvis ; nous aurions alors des ensembles cohérents, animés du même souffle, obéissant au même style. Mais déjà régnait la méfiance à l’égard des maîtres et la subdivision des commandes à l’infini. Livrée à elle-même, notre statuaire manque de base et d’appui solide. N’ayant pas de loi organique ni de discipline commune, tantôt elle subit les fluctua. tions de la mode, tantôt elle se réfugie dans le passé. Que n’a-t-on pas imité au siècle dernier l’Égypte et la Grèce, Rome et Florence ? tout cela pour en venir à pasticher le Bernin, à tomber dans la plati-tude du réalisme sans âme et de la copie sans style. Cependant après Carpeaux, Rodin est venu tout ranimer de sa passion et de sa science. Il a remis en honneur les principes essentiels dont l’oubli mène droit à l’absurdité du moulage, à l’infamie du cabinet de cires. Mais ses créations surhumaines et gonflées de la sève primitive n’ont pu trouver place sur nos monuments aux sèches arêtes, aux surfaces pauvres et