10 LES SALONS DE 1903 libre et généreuse. Mais que Roll reprenne pied sur le terrain solide où il marchait jadis d’un si bon pas. On sait que le peintre Raffaelli a inventé un nouveau procédé de peinture, la couleur à l’huile solidifiée en crayons. Il était intéressant de voir les résultats obtenus par le créateur de ce nouveau véhicule de la pensée. Il semble que, par la variété des manoeuvres, il permette à l’artiste de dire, plus directement qu’aucun autre, ce qu’il veut et ce qu’il sent. A coup sûr, Raffaelli n’a jamais été plus lui-même qu’en cet aimable portrait, empreint de fraîcheur virginale et de fine bon-homie, la Jeune Fille au petit chien. J’y trouve le mat et le velouté du pastel, avec la sensation d’une matière moins fragile ; et de même dans les autres figures : la Jeune Fille aux oeillets, la Jeune Femme à sa toilette, dans ce fourmillant paysage parisien, le Carrefour Drouot, la fraîcheur, le duvet propre au pastel, persistent dans ce crayonnage à l’huile, d’un impressionnisme si vivant. Il y a là évidem-ment, pour l’artiste, des ressources et des commodités de travail nouvelles, et cela n’est pas à dédaigner. Caro-Delvaille expose deux toiles importantes : une Femme nue et le Portrait de Madame L… et de sa fille. Ce jeune artiste a donné, dès ses débuts, de grandes espérances. Il a surgi, assez soudainement avec un talent déjà sûr, et comme tout armé. Chez lui, le don de voir et de rendre n’est pas douteux. Reste à savoir quel usage il en fera. Il avait inspiré quelques inquiétudes à ceux qui suivent avec intérêt son jeune talent. Il les rassure, sans peut-être contenter pleinement ceux qui rêveraient pour lui plus et mieux que ce qu’on appelle le succès. Pour moi, je crois qu’il doit se mettre en garde contre une certaine vulgarité un peu brutale de vision et de faire, qui se contente de constater, qui ne transforme rien, n’atténue rien, ne sacrifie rien. Je sais que les constatations sont à la mode. Mais la peinture n’est pas une statistique, et la vérité ne s’expédie pas par colis postal. Il me semble que Caro-Delvaille voit les choses trop froidement, sans passion, sans frémissement de sympathie ou d’admiration ; il les mesure et les jauge avec exactitude ; il les rend avec puissance, mais