8 LES SALONS DE tgo3 qu’il se dégage de la couleur jaunâtre qui déparait ses toiles. Son métier prend plus de souplesse et d’ampleur. Dans le Salon vert, la couleur a de la richesse : la belle personne qui flirte passionnément est bien saisie dans son mouvement de retraite si proche de l’abandon. J’aime moins la Jeunesse et la Grâce (quels titres ! et que ne faudrait-il pas pour les justifier !); d’effet trop vague et trop dispersé, sans motif dominant, sans formes impérieuses. Il y a de bons morceaux encore dans le panneau décoratif qu’il intitule Portraits. Des femmes d’aujourd’hui, qui font penser aux Colombines de la Comédie ita-lienne, aux robes gentiment surannées, aux doux regards pensifs, avec un garçonnet mutin, sont juchées un peu bizarrement sur une balustrade, et semblent moins assises que suspendues dans les airs. A côté de ces bergerades où l’esprit de l’artiste se meut à son aise et dans son élément, on est un peu surpris de voir une Descente de Croix, plus violente d’effet que profonde d’expression. Non que je défende à l’artiste de mêler le sacré au profane, mais il ne me semble pas que sa manière de sentir et de concevoir ait le moindre rapport avec le recueillement qu’exige un thème religieux. Les rares exemplaires de peinture décorative que nous offre le Salon de la Société Nationale ajouteront, je le crains, peu de chose à la renommée de l’art français. Et l’on ne peut se défendre, à ce propos, de quelques réflexions mélancoliques. Nous avons des artistes admirables qui ont fait leurs preuves comme décorateurs. On les ignore dans les cercles officiels. On a pu peupler de statues le nouvel Hôtel de Ville sans faire appel à un homme tel que Rodin. La distri-bution des commandes obéit au plus incohérent caprice. On se demande où les détenteurs des deniers publics puisent leurs renseignements, à quel goût ils s’adressent, de quels principes ils se réclament. Hasard, petit bonheur, bon plaisir, telle est la règle des Mécènes officiels qui, dans leur éclectisme aussi incompétent qu’indifférent, ont pour devise : « Amis de tout le monde », excepté des vrais artistes dont les hardiesses, peu comprises par une opinion sans guide, nous créeraient des affaires. La vérité doit se faire bien humble et