LA SCULPTURE 95 étage, et l’on peut y voir huit oeuvres de choix de ce sculpteur de génie dont la vie fut l’une des luttes les plus âpres et les plus décevantes qu’un artiste ait pu soutenir en ce siècle, pourtant si cruel à beaucoup d’entre les meilleurs. Carriès, méconnu de son vivant, triomphe ici d’une manière définitive avec son Portrait par lui-méme (bronze), la Religieuse, la Hollandaise, l’Infante, et des grès magnifiques : l’Enfant endormi, Jeune Fille, le Mineur. Cet art si précieux et si délicat de la statuette, personne ne le pratique avec plus d’éclat et de talent que M. Théodore Rivière, dont, après tant de choses vues, les œuvres subsistent dans le souvenir avec une précision significative. Avec lui, vraiment, la statuette redevient ce qu’elle était dans l’antiquité et au moyen âge, et M. Rivière est un des rares artistes assez parfaits dont les œuvres peuvent supporter la comparaison avec celles si déli-cieuses et si finies du Musée de Naples, dont il s’est inspiré par-fois. Mais il s’est inspiré aussi de la vie et de la vérité, et c’est pourquoi nous avons un plaisir tout particulier à noter ses envois. Ceux-ci marquent les différentes étapes de son talent. Voici d’abord le petit groupe du Luxembourg, Salamm1,6 et Matha, où le sculp-teur est entré profondément dans la pensée de Flaubert, tout en sachant observer par lui-même. C’est une œuvre pleine de vie et de science, mais aussi de sensibilité et de passion. M. Rivière arrivait alors de Tunis et rêvait de traduire, dans d’autres statuettes et groupes, ses impressions et ses notations d’Orient. Il y a réussi pleinement dans sa merveilleuse Vierge de Sunnam, où l’ivoire et l’onyx se marient avec perfection. D’autres domaines, dans l’histoire et dans la légende, ont tenté encore le sculpteur. Ainsi ce guerrier qui frappe son dernier coup en un geste de tant de beauté et d’ampleur ; ainsi ce groupe déli-cat de Fra Angelico en extase tandis que l’ange, à ses côtés, peint ses fresques divines. On ne saura s’empêcher de rapporter, de plusieurs promenades d’études à travers ces sculptures (lorsqu’on aura passé par-dessus