Ill LA TRAHISON DU ROMANTISME L’ÉGL1sF, abbatiale n’est plus que ruine, une ruine mélancolique et solitaire qu’on ne découvre pas sans un serrement de cœur dans l’enfilade du portail classique. Pourquoi cet attentat contre la beauté ? On serait tenté d’y reconnaître un des méfaits du vandalisme révolutionnaire. Il n’en est rien. C’est sous le Premier Empire que la main de l’homme a accompli cette dévastation. En So7, la Révolution ayant vidé l’abbaye de ses trésors et dispersé les moines, le corps principal des bâtiments fut vendu à un certain Radix de Sainte-Foi, qui se proposait d’y établir une demeure de plaisance à son usage personnel. On jeta bas les piliers et les murs de la nef gothique, on enleva toutes les toitures du choeur, dont on laissa s’écrouler les voûtes. Le nouveau 5 châtelains désirait sacrifier au goût duour en agençant dans son parc quelques fajbriques, si fort à la mode depuis Jean-Jacques, un décor de cataclysme, romanesque au clair de lune, une belle ruine enfin qui ferait pâmer les René en herbe et les futurs Olympio. Mais cet amour abusif de l’art — et du romantisme — paraît suspect quand on apprend que le dangereux propriétaire d’Ourscamp s’empressa de liquider les maté-riaux provenant des démolitions il commença justement par les toitures, qui avaient le plus de valeur. C’est qu’il avait à couvrir d’autres frais, occasionnés par les travaux de décoration de ses nouvelles salles de réception, entreprise confiée au propre architecte de l’Empereur, Vincent, venu exprès de Compiègne. 20 Curieuse figure au demeurant que ce Radix de Sainte-Foi, dont la carrière se déroula dans l’ombre et en marge de celle de Talleyrand, son modèle et son maître, sachant conduire, comme lui, sa fortune et son ascension à travers quatre ou cinq régisses. En 18z5, Radix étant mort et ses biens liquides, l’ancien monastère devint manufacture. Des ateliers de forge, puis une fabrique de velours s’y installèrent. Métiers et machines envahirent les cloîtres, le réfectoire, les dortoirs. Sur le canal de l’Oise, on aménagea un port où les péniches vinrent décharger du charbon et des maté-riaux. Survint la guerre de 1914. L’ennemi installa à Ourscamp son quartier général et s’y fortifia à l’abri des murs épais. En face, à une courte distance, suivant le cours de l’Oise, le front français s’établissait. En 1911, notre état-major, pour en chasser les occupants, se décida à brûler cet ensemble unique de constructions. Un bombardement de plein fouet, suivi d’un incendie qui dura dix jours, ne réussit pas toutefois à venir à bout de la vieille abbaye de saint Eloi. Aujourd’hui, après une interruption de plus d’un siècle, les moines, ont repris possession d’Ourscamp. La congrégation dus Serviteurs de Jésus et de Marie s’est installée dans les vastes bâtiments, les a réparés, s’efforce de sauvegarder ce trésor d’art. L’encens monte de nouveau sous les voûtes séculaires. C’est bien ainsi. Un des joyaux les plus injustement dédaignés du patrimoine français se trouve hors d’eau. RENÉ BRUT. Il ne reste plus rien de la nef cister-cienne. Seules deus chapelles du transept ont été conservées. Quant au chœur, il se dresse. tragique, au ssi vide qu’un squelette, et cest la le troisième aspect d’Ourscamp le visage que R Romantisme lui a modelé. On connait des monuments dont les voales sont restées Intactes, mais dont les ogives sont tombées. Ourscamp four-nirait la démonstration inverse ses ogives ne soutiennent plus que le ciel. Reportage phORPŒPhlque W. Écnis.