A SKIS ACCOURCIS TL y a quelques lustres à peine, l’Alpe-d’Huez n’était composée que de vingt cabanes primitives où l’on menait le bétail en été. Val-d’Isère, Courchevel n’étaient connus que de quelques paysans. Aujourd’hui, ces minuscules hameaux sont devenus de grands villages insolites peuplés d’une foule colorée. Ce sont des stations de Sports d’hiver. Il a suffi que l’homme prit un plaisir enfantin à glisser sur deux planches dans un univers féerique pour voir ainsi se métamorphoser la montagne. « Huit jours de neige blanche, une année de joues roses », dit une jolie affiche de la S. N. C. F. devant laquelle ont rêvé bien des gens. Le ski est d’abord l’une des plus admi-rables thérapeutiques que l’homme moderne ait trouvées pour se guérir d’une vie quotidienne chaque jour plus artificielle. Les degrés de son apprentissage, dont les mots-clés appartiennent à un langage réservé à des initiés trace directe, chasse-neige, christiania amont, aval, dispensent à ceux qui pénètrent ces arcanes sportifs bien des joies ; des joies à la mesure des peines endurées. des chevilles meurtries. On ne saurait cependant oublier pour autant le contexte mystérieux et fascinant qui entoure le ski et lui donne l’essentiel de son charme la neige mêlée au soleil, l’enfance retrouvée, la découverte d’une société régie par ses lois propres où les amitiés et les idylles se lient aisément. L’important pour faire du ski, c’est d’avoir de la neige. On s’en serait douté. Jadis crainte, elle est devenue une manne céleste grâce à quoi vivent — et vivent bien — des centaines de milliers de montagnards. Les fantaisies des saisons nous jouent cependant, depuis plusieurs années, quelques vilains tours. Pour être sûr d’avoir de la bonne neige, en abondance, et skiable, il faut viser juste. Choisissez de préférence une station d’altitude élevée où les moyens de remontées mécaniques permettent d’accéder aux neiges éternelles. La neige a ses métamorphoses. Elle est poudreuse lorsqu’elle est tombée à une température inférieure à 0° et qu’elle conserve sa légèreté et son épaisseur. Le passage des skieurs dans cette neige poudreuse la transforme en neige damée, terrain idéal d’évolution. La neige de printemps est granuleuse comme du gros sel et glissante. Se méfier de la neige mouillée, due au réchauffement de la température, et de la neige glacée (neige fondue qui a gelé de nouveau), très rapide. On ne va pas aux sports d’hiver comme à un week-end à la campagne. Il s’agit d’une expédition, autant dire d’une aventure. Il faut s’y préparer longtemps d’avance, retenir sa place à une date prévue, s’entraîner par une culture physique appropriée, choisir son équipement. L’important est de mettre le prix pour avoir de bonnes chaussures imperméables, bien ajustées, dans lesquelles le pied ne joue pas et transmet parfaitement le mouvement au ski, sans pour autant souffrir le martyre • de bons gants en cuir souple et doublés, d’excellentes funestes contre le soleil, contre la buée et qui permettent de distinguer le relief. Le reste, fuseau, anorak, chandail. chaussettes. foulard, chemise, après-ski, peut être acquis selon la bourse et les goûts de chacun. Naguère, on choisissait ses skis debout et en levant son bras droit à la verticale la mesure de la paume de la main au sol en donnait la dimension. Depuis, il y a eu le ski court, I m. 50 à I m. 65, puis le ski à hauteur d’homme. Le ski court, sur des pistes bien damées, était pour le skieur modeste un moyen de tourner plus aisément. Outre l’avantage appréciable qu’on le casait plus facilement dans le train bondé, son emploi était très limité. Le skieur moyen — c’est-à-dire la grande moyenne des skieurs — qui ne cultive pas des ambitions de champion et qui n’a pas besoin d’un engin qui porte bien à 100 à l’heure, gagnera à raccourcir le ski long, obtenu par la méthode traditionnelle, de 10 à 20 centimètres selon son poids. Le ski bois et le ski métallique ont leurs avantages respectifs. Le ski idéal pour le touriste est celui du type « Head » composé bois, métal et matière plastique (celle-ci évitant le fartage et tous ses inconvénients). Malheureusement, on le trouve difficilement en France, où il coûte très cher. Connaître les règles du jeu. Il ne faut pas redouter l’accident qui paralyse les initiatives de nombreux skieurs. On peut s’en garantir pour une grande part. Les fixations de sécurité dont le pied se dégage sous l’effet d’une torsion brutale ont déjà sauvé bien des jambes. Au reste, soyons prudents. Il est recommandé de ne pas skier comme un forcené les premiers jours tandis que l’on est encore sous le coup de la fatigue de la ville. Se reposer quand on se sent un peu las, ne pas hésiter à perdre quelques heures qui permettrontaux muscles de récupérer. Se méfier de la neige molle, des rails en neige dure. Ne jamais partir seul en montagne. Se renseigner sur la qualité de l’enneigement des pistes que l’on descend pour la première fois, et aussi sur leur niveau de difficulté ; enfin, être modeste, choisir des parcours que l’on sait être à sa portée. Toutes ces précautions observées n’excluent pas la nécessité de contracter une assurance. Le fin du fin pour le skieur c’est de réussir son christiania, son virage dans la pente. Grâce à ce mouvement de ski. le nom ancien de la ville d’Oslo ne sera jamais oublié. On a connu le Stemm-Christiania, des débuts de l’Arlberg où l’on écartait les skis pour mieux tourner ; puis le christiania parallèle, vers 1936, où l’on se refusait à ouvrir les skis pour aller plus vite, et ensuite le christiania pour’ aval en avancé de la méthode française lancée par Émile Allais et Paul Gignoux et que l’on enseignait encore l’hiver dernier dans les stations françaises. La vogue, pour plus d’efficacité, va maintenant au christiania léger de James Couttet, virage plus naturel où, pour mieux tourner, l’on allège les skis par des mouvements de flexion et d’extension sur les articulations ; chevilles, genoux et hanches, et où l’on conduit le mouvement par une projection circulaire du haut du corps. Apprendre à tourner, c’est un peu la pierre philosophale du ski. MICHEL CLAM, COMPOSITION DE DEJOLIX