irritent le public. Son esprit mordant lui fait des ennemis. D’une comédienne affligée de trop grandes extrémités, elle dit, par exemple rr Elle a des pieds à dormir debout e L’arrivée à Paris d’une actrice italienne, la Ristori, donne le signal d’une campagne de presse orchestrée par Dumas dans son journal le Mousquetaire. Au jeu sobre, à la réserve de Rachel, on oppose les éclats, la gesticulation de l’Italienne, qu’on admire comme l’inter-prète rêvée du draine romantique. Rachel dédaigne de combattre sa rivale autrement que sur son propre terrain. Malgré sa fatigue, entre le 6 et Je 29 juillet 1855, elle reprend ses meilleurs rôles, et ses fidèles ne se doutent pas qu’ils l’applaudissent pour la dernière fois. Son voyage en Amérique est un échec exténuant. Elle doit s’aliter à Charlestown après avoir joué son rôle de mourante dans Adrienne Lecouvreur. De retour en France, Rachel obéit àses médecins, sans révolte comme sans espoir. Avec le raffinement d’un metteur en scène narquois, le destin lui offre, pour une agonie de deux ans, des décors qui lui rappellent ceux où elle attendait les applaudissements, et non la mort. Elle a été Cléopâtre dans un drame de Mme de Girardin en Égypte, elle se fait aménager une barque et vogue sur ce Nil qui, écrit-elle, la porte aussi tendrement qu’une mère porte son enfant. Parce que ce n’est plus l’autour, mais la toux qui affole son cœur, elle ne se sent plus e qu’une ombre qui passe, qui a passé ». Pour voir ses enfants — elle a deux fils qu’elle chérit tous deux — elle revient à Paris, vend son hôtel, cadre de sa gloire, où l’impératrice Eugénie venait en cachette de l’empereur lui demander des leçons de maintien et bavarder en amie. Un matin très tôt, livide et chancelante, elle sort en cachette des siens, hèle un fiacre, se fait conduire devant ce Gymnase où elle a connu son premier succès, puis rue de Richelieu. Celle qui fut, sur scène, I lermione, Phèdre, Bérénice et, dans la vie, une créature avide de plaisirs n’est plus, à l’heure de la solitude, que la noble servante de son art. Elle gémit rr J’ai eu du talent, j’aurais pu avoir du génie. e Elle part pour Le Cannet, où le frère du dramaturge Sardou lui a offert une villa perdue dans les pins, où la vaste chambre ornée de colonnes, de statues, son apparence de mausolée, son lit demarbre lui rendent un instant son ancien humour « Parfait, surtout quand je serai morte. » Elle pasda les derniers jours de 1857 à préparer des cadeaux de nouvel an accompagnés de billets datés du ter janvier parce que, dit-elle au Prince Napoléon qui vient la voir « Cela m’obligera à vivre jusque-là. e Elle mourut le 3 janvier 1858, à trente-sept ans. Ses parents, qu’elle laissait riches, vendirent jusqu’à son linge. Mais dans les papiers d’Alfred de Musset, mort huit mois avant elle, son frère trouva ce poème adressé à Rachel,inspiratrice d’une tragédie qui resta à l’état de projet Cette langue de ma pensée, Que tu connais, que tu soutiens, Ne sera jamais prononcée Par d’autres accents que les tiens. Périsse plutôt ma mémoire Et mon beau rêve ambitieu Mon génie était dans ta gloire, Mon courage était dans tes yeux. JEANINE DELPECIL Henri Heine Napoléon Prince Napoléon Comte Waleveski Prince de Joinville Alfred de Musset LES HOMMES QUI L’ONT AIMÉE Fantasque, calculatrice, voire cynique, il ne semble pas qu’en Rache Ila femme ait été la hauteur de l’artiste. Elle fut pourtant généreuse au moins une fois, et c’est la jolie anecdote de la bague qu’elle mit aux enchères. par jeu. Ses adorateurs se disputaient le bijou. Alfred de Musset ne disait rien. «Et vous, mon poète, lui demanda-t-elle, que m’en donnez-vous ?» répondit « Je vous donne mon cmur.» Rachel lui tendit l’anneau : « La bague est à vous.» Musset avait été pré.. par le docteur Véra», médecin devenu journaliste (il ro». la Revue de Paris) et directeur de l’Opéra. Les princes suivirent. Un seul Orléans le prince de Joinville. Racer était es% Napoléons ‘S’in ‘1=1211 t Yrnnienek ez,I.v.’%erzu: présenté le mois drier. dans la yeti. funèbre de ‘sainte-Hélène, et qui devint ‘aide de camp du prince Napoléon, Rachel eut un autre fils. Henri Heine l’adira passionnment, de loin. Il écrivit sur elle cette phrase, à la conclusion inattendue sasjamais rencontré personne, homme ou femm qui excroit le méme charme que Rachel. On m’a dit depuis que Bismarck avait lem érite don. » Ce channe lui permettait de déposer le diadème et de se livrer à mille espiègleries sans cesser de plaire. Souvenons-nous d’une note intime de Musset : « Qu’elle était jolie l’autre soir, courant dans son jardin, avec mes pantoufles et petit bonnet fouge et noir I…» 12