CINÉMA PAR MARCEL LASSIAUX LE PONT DE [LA RIVIÈRE KWAI Film anglais de David Lean (B) en couleurs et cinémascope, d’après le roman de Pierre Boulle (I). Lorsque le colonel anglais Nicholson refusa publiquement, pour lui et pour ses officiers, de travailler manuellement au pont de la rivière Kwal, le colonel nippon Salto entreprit de lui démontrer qu’un vaincu n’a pas à dire non à son vainqueur. Le Japonais avait la force et l’Anglais le droit, dûment codifié par la Convention internationale de Genève, cette charte du prisonnier de guerre. Malheureusement pour Nicholson, Salto trouvait simplement bouffon d’invoquer le droit inter-national dans cette impénétrable jungle thaïlandaise où l’on pouvait impunément ne connaître d’autre loi que celle du plus fort. D’autre part, et cette fois malheureusement pour Salto, Nicholson était un vrai Anglais, inébranlable lorsque sa dignité et son bon droit étaient en jeu. Ni les brimades, ni les privations, ni même les coups ne purent le faire céder. Pendant tout le temps que dura cette lutte, les prisonniers soutinrent leur chef par des moyens à leur portée, c’est-à-dire en sabotant si outrageusement les travaux du pont que Seo, la mort dans l’âme, dut se résoudre à perdre la face en traitant avec son prisonnier, ce vaincu devenu son vainqueur. Sorti miraculeusement du conflit avec les honneurs de la guerre, Nicholson se mit en tête de montrer à ces « sauvages « que seuls le savoir, la discipline et l’intelligence des Occidentaux pouvaient mener à bien une tâche si mal engagée. Il y parvint, en effet, mais non sans se prendre à son propre jeu, au point de donner sa vie pour défendre son œuvre contre… un commando de saboteurs britanniques venus pour la faire sauter. Il y a longtemps que je n’avais vu un film aussi prenant, aussi harmonieux, aussi bien équilibré. Pour violents qu’ils soient, les conflits gardent toujours une parfaite tenue sans jamais dépasser la mesure. Le choc entre deux mentalités imperméables l’une à l’autre est passionnant à suivre, d’autant mieux que l’exposé se fait par petites touches subtilement venimeuses, coupé de violents éclats que l’on attend, que l’on redoute… C’est admirable de simplicité, de fermeté et de mesure. Il est vrai que celui qui tire les ficelles est l’auteur infiniment adroit et sensible de Brève Rencontre David Lean. Chose admirable, pas une seconde l’action ne se relâche, le train ne se ralentit. Ce qui fait que les deux heures quarante-quatre que dure le film passent comme un rêve… On glisse à temps de la touffeur oppressante de la jungle, où peinent les prisonniers, à la calme harmonie des jardins cingalais, où s’entraînent les saboteurs, ce qui apporte la plus heureuse et la plus riche diversité au récit. Mille scènes, petites ou grandes, mériteraient d’être citées, détaillées, commentées, mais comment faire ?… Signalons simplement la beauté et la puissance d’évocation des paysages et la part qu’ils apportent à l’ambiance pleine de caractère où se déroule l’action, enregistrée en couleurs délicates et fraîches. Seule faiblesse, selon moi le comportement singulier de Nicholson vis-à-vis du commando, et le « Qu’ai-je fait ?… qu’on lui prête et qui suggère le coup de folie n’est guère convaincant. Tout autre est l’explication du roman. Je crois que cous auriez grand intérêt et bien du plaisir à le lire. Dans des registres très différents, Holden, Guiness, Hawkins, Hayakawa jouent à la perfection, et ceci n’est pas une clause de style. Quelle harmonie et quelle homogénéité et comme tout cela est rare ! Vous ne devez pas manquer le Pont de la rivière Klee-Atteint mo.rtene…, an an (A) Adultes seulement. orner. tiré zr:enelne (B) Toutes personnes. nôionge- ( I ) pVe Paruil:ueferiiT (2) Gallimard, Série noires. LES NUITS DE CABIRIA ( A). Duite ita-lienne de moeurs. — Un très extraordinaire travail de Fellini, évoluant avec aisance dans un pittoresque milieu de prostituées de basse caste, elles-mêmes gravitant autour de la funambulesque figure de Giulietta Massina. C’est net, vigoureux, coloré, amer, douloureux, émouvant, insouciant et sans fautes de lacs en dépit de cette fréquentation scabreuse. La première partie est sans doute la meilleure, la plus dense, la plus liée, mais dans la seconde on trouve des scènes aussi prodigieuses que ce truculent pèlerinage conciliant brillamment ces inconciliables : la foi et la foire! Encore un film à ne pas manquer. tk gagnée, Massina offre sa petite LA NUIT DES FORAINS (A). Drame réa-liste suédois. — Un curieux ouvrage! Quelque chose comme une pâte lourde et massive qu’un «geindre »du temps jadis brasserait lentement, inlassablement dans son pétrin… De cette masse fulgurent soudain de brusques éclairs, des images violentes, une recherche furieuse d’un certain effet. Le tout saupoudré d’amer-tume, de regrets, de douleur et de résignation. La réalisation d’Ingmar Bergman est pleine de force et de personnalité… sinon de rapidité. Interprétation solide, naturelle, s’attachant avec intelligence à bien rendre l’âme d’un cirque minable au début du siècle, à traduire dans un ton à la fois violent et sourd des conflits de toujours et de partout. Cette incursion rneertnade’grê ‘tir% dramatiques. poussiéreuses UNE MANCHE ET LA BELLE (A). Film français de « Série noire », d’après le roman de J.H. Chase (2). — Les amateurs d’émo-tions fortes seront pleinement satisfaits de ce travail d’Henri Verneuil Intrigue diabolique-ment subtile, rebondissements vigoureux, sus-penses poussés au paroxysme, incertitude planant jusqu’au bout, images hallucinantes dans la scène du meurtre… Tout est minutieu-sement calculé, combiné, orchestré pour vous mettre les nerfs en vrille. Vidal est presque bon et las Miranda l’est tout à fait. Quant à Mylène Denongeot, elle se pose en rivale dan-gereuse de l’adorable B. B. Dame! elle en aussi bien faite, a plus de classe et sait même jouer la comédie. een r.veur=zfeà;,regveer UNE FEMME DE TETE (B). Comédie amé-ricaine, en couleurs et cinémascope. — S’il n’y avait pas Spencer Tracy et Katharine Hepbun, je ne donnerais pas cher de ce film de Walter Lang. Seulement, « Ils » sont là et aussitôt on oublie l’incurable indigence de la chose, qui nous accable de tout le poids de sa niaise insi-gnifiance aussitôt que nous sommes livrés aux seules ressources de M.. Joan Blondell et consœurs… Qu’ils mettent donc d’esprit dans tout ce qu’ils font! Toutefois, pourquoi Katha-rine Hepburn accepte-t-elle de jouer les jou-vencelles dont les hommes se disputent la main, rôle auquel ni son âge ni son physique ne la prédisposent? Pourquoi Tracy accepte-t-il aussi de jouer les Don Juan, rôle auquel… (voir ci-dessus)? C’en tout. M. L. =Can= lentieeVesu ‘el’a’ecr,ne’ell’e retrouve N.B. — A signaler une très importante et exçellente étude de Pierre Leprohon sur Chaplin, aux Nouvelles Editions Debresse