NÉOLOGISMES langage des sports, boxe, ballon, chasse, course, etc. Consultez d’ail-leurs le Dictionnaire des Anglicismes d’Edouard Bonnaffé, lequel date de trente-cinq ans. La moitié des termes en sont déjà sortis de l’usage. La mode qui les apporta les remporte. Il est d’autres secteurs où l’angli-cisme est inepte, puisque inutile. Il ne provient que de la paresse de quelques techniciens, bien incapables de chercher l’équivalent français du mot britannique, ou de quelques journalistes trop pressés de copier des dépêches d’agences. Prenons des exemples : leadership ne se justifie pas, car hégémonie, primauté, direction suffisent ; standing encore moins, car il y a niveau, état, condi-tion, etc. Feeder est monstrueux (pour désigner une conduite cen-trale), car il y a nourrice, tronc, etc. Ma foi, pipe-line devrait céder à oléoduc que nos cousins canadiens emploient. Living-room, qu’ils appellent vivoir, est déjà très menacé par salle de séjour ; self service par libre service. Avouons que parking est ridicule puisque l’italien dit parcage (parcaggio). Gas-oil sera peut-être remplacé par gazole, sur le modèle pétrole. Quant aux anglicismes de forme française, rien à dire : ils enrichissent notre langue sans la corrompre. Mis-sile, efficience, intégration, iso-lation, ségrégation et même automation… ce sont des mots internationaux qui ne forment pas des verrues sur le français. J’accep-terais même motel et, bien entendu, film, à qui l’ancienneté a fourni une noblesse relative. Un terme est ridi-cule : euratom, qu’on devrait au moins écrire cane et qui n’est qu’une sorte de sigle télégraphique. Esca-lator, à chasser, car il ne dit rien de plus qu’escalier mécanique, pas plus que lift n’a pu être plus éloquent qu’ascenseur (liftier a survécu comme terme spécial). Une seconde catégorie est peuplée de mots artificiels, bâtards, forgés par des fonctionnaires arbitraires et absurdes. Autorail (qui jure avec autocar) et qui, merci Dieu, a pour rivarmicheline ; héliport, etc. Ne les confondez pas avec les mots corrects, téléviseur, aérogare, autoroute qui a remplacé autostrade qu’on mettait volontairement au masculin. Dans ce genre-là, la Sorbonne même a lancé des barbarismes : événe-mentiel qui devait être événemental. Les écrivains sérieux : profitariat, comme si profiteur et prolétaire étaient de même farine ; documen-taliste qui double en vain archiviste. Et tout en bas de l’échelle, les néolo-gismes saugrenus ou cocasses qui n’auront qu’un temps : fan ou sen-sass, issus d’un argot de collège ; rififi ou grisbi, d’un argot de pègre, peut-être fantaisiste. Dans dix ans, ils seront démodés, cocos… Qui peut parier que brain trust, dénazifi-cation, négritude seront compris de nos neveux ? L’histoire est si capricieuse qu’elle ne doit jamais nous épouvanter. Il suffit de ne pas trop céder aux lubies de l’actualité en matière de langage pour préserver l’essentiel de notre idiome. ANDRÉ THÉRIVE. 23