DISQUES CLASSIQUES ET CONTEMPORAINS KTIOMOIS, Jean-Selmslien Bach était obligé de faire dix lieues à pied pour aller, dans une ville voisine, entendre Buxtehude dans ses œuvres. Aujourd’hui, l’habitant de n’importe quel pays n’a qu’a tourner un bouton, ou faire marcher un disque, pour obtenir l’audition d’une pièce de son choix. Eh bien, c’est précisément dans cet. alîsence de tout effort que siège le vice de ce soi-disant progrès… Io réception passive ne suffit pas, car on peut écouter sans entendre, comme on peut regarder sans voir. Les gens ne se trouvent plus dans la nécessité absolue de faire eux-mêmes do la musique, et de perdre leur temps à étudier un imtrinnent pour connaître la littérature musicale. Ainsi les facultés actives, sans le participation desquelles on saurait s’assimiler la musique, s’atrophient peu à peu chez l’auditeur, ne à force de /le plus êtr exercées… Qui parle d’ores insi? Igor Strawinsky Il nia semblé que ces propos, extrits des Chroniques de ma vie, devaient être reproduits ici. Strawinsky répond à souhait àune demande récente d’un de mes lecteurs : ê La musique est-elle, à votre avis, faite pour être lue ou entendue? r Elle est faite pour être jouée et apprise, afin d’être mieux écoutée. A côté du pullulement des cires musicales, déplorons la crise aiguë que subit eh. nous la musique-papier dans toutes nos grandes maisons d’édition, surtout en ce qui concerne la musique de chambre et les partitions de théàtre, faute d’auditeurs capables de les jouer, ou même de les lire. En d’autres pays, et notamment en Europe centrale, le microsillon n’a nullement détourné les amateurs de pratiquer la musique par eux-mêmes et de pouvoir contrôler, textes en mains, le cc haute fidélité » des cires soumises â leur appréciation. Quand les Français en feront autant, ils pourront se permettre de juger une Symphonie de Beethoven ou le prélude de Parsi/al. La période dite des vacances n’a pas ralenti l’apport de nos grandes firmes de disques, toujours attentives à favoriser les gobie conformistes d’une clientèle sans cesse accrue qui, dans le domaine de la musique classique et contemporaine, accorde avant tant ses faveurs aux œuvres de tout repos et aux e interprètes illustres •. D’oie des redites qu’il est da lors difficile d’éviter, et qu’on serait heureux de voir complétées par de plusnombreuses 11011Ve.11té, Pathé-Marconi continue, vu leur succès, d’augmenter les collections des ê Gravures illustres » et des Luxe-Standaid e Muet je vous ai dit l’élégante présentation et l’intérêt documentaire. C’est ainsi qu’on voit passer sous cette nouvelle égide, avec des notices opportunes, la glorieuse série des admirables enregistrements bettliovéniens, mozartiens et wagné-riens de Wilhelm Furtwœngler qui n’ont rien perdu de leur présence, avec la collaboration, en solistes, d’Edwin Fischer et Jebudi Menuhin. Mais on déplore qu’une entente n’ait pu Cire réalisée entre les firmes intéressées pour transporter sur asque si la gravure n’avait pas été parfaite, le document irremplaçable queconstituait l’enregistretne. sur bandes de l’Anneau du Ni belung intégral de Richard Wagner, fait m lors des magnifique concerts donnés à Rome par la Radio italienne. Aux mêmes honneurs ont été promus, par le même grand chef, Inc Préludes de Liszt, Don Jeune et Till Eulenspiegel de Strauss, le Cinquième Concerto de Beethoven par Gieseking et Karayan, Pierre et le Loup de Prokofiev, le Bourgeois Gentilhomme de Strauss, le Sacre du Printemps, l’Hommage à Diaghilev, auxquels le dynamisme d’un Igor Markevitch est précieux, un disque pianistique émouvant de Dinu Lipatti, des comprimés » Chopin par Arthur Rubinstein et Samson François, les séries précieuses des Sonates pour violon et piano de Beethoven par Fritx Kreisler et des Suites pour violoncelle de J.S. Bach par Pablo Casals– quelle leçon de tenue et de style ! — ainsi que l’OB rande musicale du même maître, dont Igor Markevitch oiselle avec soin les complexités contrapuntiques devant lesquelles se pâment certains snobs incapables d’en saisir le sens et la portée éducative. Interprète de Brahms, Wolf et Mahler, Fischer-Diskau se surpasse. Karayan rend à la mémoire de Sibelius un hommage opportun avec inc Quatrième el Cinquième Symphonies, sommet de son œuvre considérable. Georges Tzipine, à la the de l’orchestre de la Société des Concerts, dirige la Symphonie extraite par Henry Barraud de son opéra Numance, dont la Radin nous fait apprécier souvent la noble tenue, le Tombeau de Chateaubriand et l’011omde de Louis Aubert, qui fut un de ses maîtres, et donne ici la pleine mesure d’un talent en pleine possession île ses moyens. De son côté, Janine Mich.0 nous montre toute sa virtuosité intelligente et le souplesse lumineuse de sa voix en faisant alterner une savoureuse série de pages vocales fort diverses appar-tenant à des périodes différentes de la production fluviale de Darius Milhaud, la Cantate nuptiale, les Quatre Eléntems, les Chansons de Ronsard, Fontaines et Sources et un fragment de Bolivar. Quelque peu handicapés par des difficultés douanières, Decca et R. C. A. n’en poursuivent pas moins leur méritoire effort, dont on sait la qualité. Ref.’ Kubelik et le Philharmonie viennoise nous offrent fort à propos Io Deuxiènee Symphonie, la meilleure à mon se, sinon la plus réputée, de Dvorak. Ernest Ansermet et l’orchestre duns Conservatoire accole. sur deux disquesexcellents l’Apprenti sorcier de Dukas, Paci fic d’Honegger, le. Boléro, la Valse de Ravel, le Voix dons le désert et Sehelomo de Bloch, trop peu connus chez nous. IA belle voix, l’expression prenante e loge Borkh se déploient dans Ah! Per fielo de Beethoven, l’air de Ilegia d’Oberon de Weber et la scène finale île Salomé de Richard Strauss, en attendent, espérons-le, un enregistrement intégral d’Elektra avec Lira Dello Casa… Ch. R. C. A., oit l’on s’étonne de ne pas voir paraître encore sur le catalogue français un chef-Rœuvre de notre tmisique, la Deuxième Symphonie de Vincent d’Indy, enregistrée depuis longtemps sur 33 tours 98 en Amérique par Pierre Monteux et son orchestre de San Francisco, Charles Miinell et sa phalange de Boston triomphent avec toute une série d’enregistrements de grande classe, où le dynamisme expressif si personnel que vous connaissez se donne libre carrière, et que vous ne regretter.. pas d’ajouter à votre collection : la Symphonie en ut mineur, le Concerto de violon avec Jascha Heifetz, les ouvertures de Coriolan, de Fidelio, les trois de Léonore do Beethoven, les deux premières Symphonies et l’Ouverture tragique île Brahms, le Faune de Debussy, le Rapsodie espagnole, le Boléro, la Valse de Ravel, une nouvelle version du Martyre de saint Sébastien de Debussy. La Quatrième Symphonie do Brahms et le Don Quichotte de Richard Strauss nous rappellent la maîtrise d’Arturo Toscanini, tandis que son gendre, Vladimir Ilorowits, interprète fulgurant de pièces célèbres de Chopin, de Liszt, du Troisième Concerto de ltachmaninoff, non moins spectaculaire que ses aînés, nous fait regretter qu’il soit devenu plus rare à Paris que ses émules, Alexandre Brailowsky et Arthur Rubinstein, qui nous donnent ici aussi, des mêmes œuvre s, de brillantes images. Et avant de quitter Decca, n’blions pas le disque des Mélodies de Grieg où se donne si généreusement ou Kirsten Flagstad, ni la série des treize Nocturnes de Gabriel Fauré, où s’épanouit tout son tendre genie, et auxquels Jean-Michel Damase s’est pieusement consacré, ni les deux dernières Sonates de Brahms pour piano et violon par Itieci et Katchan. Chez Philips, après la série des neuf Symphonies de Beethoven, dont je vous ai dernièrement parlé, 110115 sont offertes deux Symphonies do Haydn (Nec 96 et 102) et les quatre Symphonies de Brahms qui conviennent parti-entièrement à la nature de Bruno Walter, un des phis grands chefs de sa génération, dont l’exemple ne peut qu’être salutaire à ses plus jeunes confrères. Dans l’élégante collection des « Classiques pour tous », d’un prix abordable, lino Francescatti interprète avec éclat quatre des pièces violonistiques les plus célèbres de son aine Frit. Kreis!er, dont le Caprice viennois et le ‘Tambourin chinois Iîninsky nunc dorme le Premier Concerto de Chopin avec l’orchestre do La Haye ; Jean Doyen, la série complète des Valses du même auteur, où sa technique éprouvée fait merveille; Edouard von Beinun colon orchestre d’Amsterdam, la Deuxième Symphonie de Beethoven ; Georges Saell et sa phalange de Cleveland, les Danses slaves de Dvorak ; Maurice Ilewitt et ses musiciens et chanteurs de l’Opéra-Comique, les Fontaines de Versailles de La Lande ; et Janine Mich., entourée d’instrumentistes de valeur, la Cantate de Bernier. Le Calé, juste hommage au passé, auquel Erato continue d’accorder ses soins efficaces avec Del. Grands Motets de Richard de la l.ande, le Jaloux corrigé le Pergolèse, le Magnificat et le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, le Messe l’ange lingue de Josquin des Prés, des Chansom et Maelrigater de Clément Janequin, les deux Sonates violon et piano de Gabriel Fauré î elliert considérable, qui lui fait honneur. Ducretet-Thomson, outre les curieux autographes musicaux dont je vous ai parlé, nous a fait parvenir quelques cires contemporaines intéressantes. Les dent Suites d’orchestre que Jacques Ibert a tirées de son ballet Diane de Poitiers c à l’Opéra naguère par Ida Rubinstein, et dont on n’a réé pas oublié la vive couleur évocatrice, nous sont présentées par la Musique des Équipages de la Flotte de ‘Foulon, dans l’habile version réalisée par Pierre Dupont pour son orchestre d’harmonie. De son côté, Joseph Keil-berth et l’Orchestre Philharmonique de Hambourg nous offrent, clans de remarquables conditions, la première Symphonie de Schumann et deux importants ouvrages de Paul Hindemith Nobilissima Vision, d’après saint François d’Assise, et les Métamorphoses, d’après Carl-Nlarie Weber. On peut évidemment discuter leur appropriation aux sujets choisis, mais non la maitrise d’écriture du musicien, la noblesse de ses aspirations, et des ses moyens d’expression. Deutsche Grarnophon voit son catalogue s’augmenter de façon significative. Il est regrettable que la partie allemande contemporaine nn soit pas encore ‘accessible à la critique française, qu’elle intéresserait particulièrement. On sait les belles réussites dont cette firme peut se prévaloir avec l’intégrale d’Orphée d Eurydice de Gluck par Dietrich Fischer-Diskau, Maria Stader, Rita Streich, les œuvres de Strawinsky, les fragments wagnériens avec Astrid Varmay, Wolfgang Windgassen et Joseph Greindl. Pour le moment, elle nous offre MI cr.ernble de réalisations d’Igor Markevitch d’une qualité remarquable Harold en Italie de Berlioz, la Symphonie No h d’Arthur Honegger, la première de Brahms, la Création de Haydn et les Coéphores de Darius Milhaud, non encore sorties, mais dont j’ai pu entendreune saisissante épreuve. J’en dirai autant pour l’Ange de leu, l’opéra de Prokofiev qu’annonce Véga, qui mérite d’are spécialement. louée pour son zèle en ce qui concerne la musique contemporaine. Les Vingt Regards de Messiaen et les Six Quatuors de Bartok, dont jevous ai dit la valeur, sont là noue le prouver, ainsi que le beau et toujours solide Quatuor de César Franck, élé quatuor Parrenin, et deux Sonates de Prokofiev où le jeune pianiste débute brillamment. Ires Discophiles français, dont les amateurs connaisse. les gravures élégantes et soignées, achève. l’intégrale des Sonates de piano de Beethoven par le regretté -Yves Nat, celle des .Sonates pour violon et piano du même maître par Lili Kraus et Willi Boskowski, équipe de choix, tout en nous donnant de beaux chceurs de Schubert, et les sensibles Romances de Maguelonne de Brahms. Enfin la Boite à musique nous offre des réalisations accomplies des Sonates et Coneerti de Vivaldi pour instruments à vent et clavecin, de nombreuses chansons folkloriques, de la Sonate pour deux pianos etpercussion de Bartok et 1711 charmant disque Debussy-Ronsscl, propice à l’agilité de Lancelot et Rampal, que je vous recommande spécialement. C. S.