7 Notre-Dame de Thermidor C’est une femme, Mme Tallien, qui, en 1794, joué un rôle de premier plan dans la chute de Robespierre, et, par conséquent, dans celle de la Terreur. Par son initiative, par son audace, par l’emprise, surtout, qu’elle exerçait sur Tallien, esprit faible, timoré dans l’action, elle obligea ce dernier à se dresser devant l’Incorruptible, à s’acharner sur lui jusqu’à ce qu’il tombât. Episode extraordinaire d’une existence féminine des plus roma-nesques, débordante d’imprévu. On sait que Thérésia Cabarrus était née à Madrid, de parents français. Arrivant à Paris dans les dernières armées de l’ancien régime, sa beauté originale, sa grâce, son entrain lui valurent de grands succès. Agée de quinze ans seulement, en 1788, elle épousait un jeune conseiller au Parlement, Devin de Fontenay. Les premiers événe-ments de la Révolution, la prise de la Bastille, l’agitation populaire grandissante, loin d’épouvanter Thérésia comme tous ceux de son milieu, lui inspirèrent une immense curiosité sympathique. Poussée par un enthousiasme généreux pour les idées nouvelles, elle se mêlait à tous les cortèges de la rue, à toutes les manifestations, suivait toutes les séances de l’Assemblée nationale, si bien que, dans le peuple, on avait déjà fini par connaitre sa silhouette. Cependant son mari, choisissant l’émigration, décida de partir pour la Martinique. Therésia l’accompa-gnera jusqu’à Bordeaux, mais refusera de s’embarquer avec lui. Elle demeurera donc seule à Bordeaux et c’est là qu’elle fera la connaissance de Tallien, conventionnel en inission qui règne en despote sur toute la ville… Au bout de peu de temps, elle deviendra sa mai tresse. Cette liaison ne sera pas une passade, mais une union durable qui finira par un riage. Est-ce vraiment l’amour qui les enchaîne ? Pourma lui, plébéien, la réponse est aisée la conquête de cette éblouissante créature représente un de ces rêves fous qu’on aurait cru ne jamais réaliser. Quant à elle, elle est liée à Tallien par la recon-naissance, d’abord (il l’a sauvée de la guillotine), puis par une sorte de pitié. Plus tard, elle connaitra la profondeur de leur amour, elle saura de quelle façon cet homme simple s’est compromis pour elle et elle lui demeurera longtemps attachée. PAR JULES BERTAUT Pour l’instant leur liaison à Bordeaux s’étale cyniquement. Maîtresse du dictateur tout-puissant, elle règne en souve-raine, figurant au premier rang dans les cortèges, pro-nonçant des discours enflammés, enivrée par cette nouvelle vie. Dans ce Inonde en fermentation, elle se sent à l’aise, elle respire, c’est un oiseau d’orage qui n’ouvre ses ailes que dans la tempête. Ce qu’il IM faut, ce sont ces grandesmasses populaires où s’avère une puissance mystérieuse avec laquelle elle se sent en harmonie secrète. Elle se donnera à la révolution jusqu’au jour où elle sera terrifiée par le lion déchaîné. Mais, en même temps, comme elle est infiniment bonne, elle exerce toute son influence sur Tallien pour lui arracher des tètes promises à l’échafaud, pour obtenir des grâces et des commutations de peines. Combien de vies humaines aura-t-elle ainsi sauvées ! Ses sentiments de pitié sont indéniables et il suffit de feuilleter les souvenirs des contemporains pour s’en rendre compte. Au bout de quelques mois, Tallien est rappelé brusque-usent à Paris, accusé de é modérantisme ». Il lui faut aller en hâte se défendre. Ses premières démarches lui apportent la preuve que la méfiance règne, en effet, à son égard, tous les visait-es lui paraissent hostiles. Il ne perd pas courage, cependant ( il sait que c’est Robespierre qui a juré de le perdre, il va le voir chez lui, tente de l’apitoyer. Visage de glace de l’Incorruptible. Alors il s’affole, il court de droite et de gauche, demande assis-tance à Barras, à Fouché, fait sa ronde chez tous ceux qui sont menacés comme lui, compte ses partisans, essaie de séduire ses adversaires… C’est un rat pris au piège. Là-dessus, il apprend que Thérésia se trouve écrouée à la Force. La malheureuse, en effet, revenant à Paris, a été arrêtée lors de son passage à Versailles et transportée à la prison de la Force qui est l’une des plus affreuses de la capitale. Elle a été jetée dans un cachot, sur un lit formé d’un sac de paille grouillant de vermine. Comme nrriture, du pain moisi et de l’eau putride. Mais, ayanout la liberté d’aller et de venir dans la prison, elle a su ce qui se passait au dehors, qu’une a fournée it se préparait dans laquelle Tallien et Fouché seraient compris. Du fond de sa geôle, elle devine les tergiver-39