Sur cette caravelle, Christophe Colomb partit de Palos le 3 août 1492. Sept mois plus tard, ayant décou-vert Cuba et Haiti, il revenait à Palos, a donnant un monde à la Castille et au Léon ». Son second voyage dura près de trois ans. Il traversa l’Atlantique deux fois encore, pour mourir à Valladolid, pauvre et oublié. Né la méme année qu’Isabelle la Catholique, en 1451, Colomb mourut deux ans après elle, en 1506. Image naïve, où la présence de la croix, hâtivement plantée sur le rivage, ne supprime pas la lance et les espingoles, même devant les offrandes des sauvages. N’oublions pas à ce propos que Colomb fut destitué et mis aux fers par Bobadilla pour avoir défendu les Indiens contre les mauvais traitements des Espagnols. En plein romantisme, c’est ainsi qu’Eugène Deveria se représentait le retour triomphal de Colomb. L’aus-tère Isabelle devient une fiancée de romance qui donne sa main à baiser au navigateur, cependant que les habitants des terres nouvelles font irruption dans un palais des Mille et Une Nuits. Il est vrai que la récep-tion eut lieu dans Grenade reconquise par Isabelle. Il suffirait à une existence d’une telle aventure et d’une si grandiose réussite pour s’estimer comblée ; elles ne contentent pas Eirrassasiable Isabelle, vouée, dirait-on, par la Providence à changer la face du monde, à couron-ner ce que ses prédécesseurs ont amorcé et à entreprendre des actions aux conséquences insoupçonnables et infinies. Pendant qu’elle assiège Grenade, un homme, omit des phis extraordinaires et acharnés rêveurs que la terre ait produits, attend, on s’imagine avec quelle intolérable anxTété, le résultat des opérations et la victoire «les Rois Catholiques, la chute «le la cité musulmane. C’est Chris-tophe Colomb. Après «les tribulations inouïes, après avoir forcé des obstacles, des inimitiés, des entêtements qui eussent découragé tout autre, il a obtenu de la Reine, qui semble bien avoir CU, C11 dépit des oppositions de l’entourage, l’intuition de l’importance et de la possi-bilité des desseins magnifiques mais assez fumeux du Génois, il a obtenu, dis-je, de la Reine qu’aussitôt Grenade tombée l’Etat lui fournirait les moyens d’armer une expédition et de chercher, par les routes océanes «le l’Ouest, le rivage «les Indes occidentales. Lorsque, le 2 janvier 1492, le drapeau de Castille et les étendards de saint Jacques montent au convainc «les tours «le l’Alhambra, que les cloches sonnent et que le chant «les hymnes remplit le ciel d’hiver, la découverte i errer o-pinée, faite par eeur géographique, d’un continent inconnu, improbable, est déjà, en quelque sorte, inévi-table et consommée. Ainsi, ce jour-là, non seulement s’agrandit et se complète l’Europe, mais notre globe s’arrondit prodigieusement, acquiert des dimensions que posonne n’eût osé lui prêter, se peuple d’un monde qui, plus tard, contre-balancera l’Asie et les domaines d’une civilisation quiva apprendre sur quel étroit espace elle a jusqu’alors fleuri. Et quand. «loure ans ayant passé, Isa-belle meurt à Medina del Campo, a nage de son point «le départ, et que son cercueil, obéissant à son voeu, prend le chemin «le Grenade, nul, quelle que soit sa vénération de la Souveraine, ne peut se douter du poids véritable de ce mince cadavre usé par un combat sans relâche. Il faudra encore beaucoup d’événements, «l’histoire et de générations, pour le lui donner. ALEXANDRE ARNOUX, de l’Académie Goncourt. Giran Ion, Bull., 35