EXPOSITIONS A LA GALERIE MANET CINQ ARTISTES Jadis, après avoir réalisé l’inoubliable expo-sition « Chefs-d’oeuvre de l’Art français e, Raymond Escholier, dans le cadre du Petit Palais, avait pris l’habitude de réunir en groupes très vivants les meilleurs représen-tants de la peinture et de la sculpture contemporaines. Depuis la Libération, cette initiative n’a pas eu de suite. A une époque où les salons, de plus en plus confus, se multiplient, où les expositions se vulgarisent, les présentations d’ensembles cohérents sont rares. La Galerie Romanes dans son actuelle manifestation remédie à cette carence. Cinq artistes comptant parmi les plus caractéristrques de notre temps s’y sont donné rendez-vous dans un ensemble bien choisi ; ils réalisent un mariage heureux des différentes formes plastiques. Trois PAR RENÉ BAROTTE CÉLÈBRENT L’ENCHANTEMENT DU RÉEL peintres : Yves Brayer, Roger Chapelain-Midy, Robert Humblot ; un sculpteur, André Arbus ; un tapissier, Jean Picart le Doux, s’efforcent d’exprimer e l’enchantement qu’ils éprouvent en face du r réel s. Sans doute ne sont-ils pas les seuls artistes s’ins-pirant des richesses inépuisables du monde visible, mais, à une époque où certaines recherches figuratives manquent de force, on appréciera la vigueur, l’harmonie créée ici par des gens pour qui le « plaisir de l’ouvragea a conservé sa valeur d autrefois. Peu soucieux de tomber dans les évanes-cences gratuites decertains chercheurs actuels, ils transposent leurs émotions en sachant bien ce que le travail du créateur peut comporter d’abstraction (celle-là véri-table). Voici quelques détails sur ces vedettes. ANDRÉ ARBUS Torse d’adolescent. ( Photos Joubert et fa ; • 56 ANDRÉ Arecs (sculpteur), né en 1903. Fil, d’un ébéniste toulousain qui lui apprit l’amour du beau métier, l’importance de la formation artisanale. Il participa comme décorateur à l’Exposition Internationale de 19at et devint peu à peu un des plus grands ensembliers français. C’est lui qui, entre autres pièces maîtresses, a réalisé l’armoire a bijoux offerte par Mme Auriol à Elizabeth d’Angleterre. Il est aussi architecte. En 1945, la ville de Marseille lui confia l’exécution du phare du Planier. L’homme qui a toujours cru à la parenté de tous les arts collabora avec des sculpteurs, qui embellirent sou meubles les plus rares. Depuis 1948 Arbus s’est consacré en grande partie à la sculp-ture ; il a triomphé dans ce domaine à la dernière Biennale de Venise. Dans sa pro-priété de Letteguives, il n’achève jamais un buste sans lui faire subir l’épreuve du plein air, la mise en contact avec des éléments naturels les arbres, un étang. Rien n’a été perdu de toutes les recherches qu’il a faites. C’est ainsi qu’il peut dire sans sourire « Tout compte fait, une chaise est une sculpture abstraite. a Principales oeuvresexposées : Torse d’adolescent, la Toulousaine. CHAPELAIN-MID1′ (peintre), né en 1904. Dès l’enfance, doué d’un grand sens plastique, il sculptait et peignait des personnages pour son guignol. A vingt ans, il avait déjà décidé d’être peintre et passait le meilleur de son temps au Louvre. A vingt-cinq ans, grâce au prix des Muses, il eut les ressources suffisantes pour découvrir l’Italie, où sa rencontre avec Piero della Francesca fut sans doute définitive. Comme ce grand précurseur, il allait s’attacher à baigner les choses dans cette lumière immatérielle qui permet, ainsi que l’a fait remarquer notre éminent confrère René Huyghe, de le classer parmi les peintres de la « Vie silencieuse a. Depuis longtemps il se dégage de ses natures mortes une grande spiritualité. Pro-fondément fixéau réel, il découvre les plus belles couleurs de sa palette en cultivant les fleurs de son jardin du Gâtinais. Son but primordial c’est de conserver au ton son maximum de puissance tout en laissant à l’objet cette densité qui donne la vie. Ce souci des volumes n’a pas empêché Chape-lain-Midy de se révéler dans les Indes galantes, dans la Fldte enchantée et dans sa dernière réalisation de Bajaget un des principaux décorateurs du théâtre français contempo-rain. Les Dahlias an fond bleu, un récent Portrait de jeune fille figurent dans l’exposi-tion actuelle. 1 CHAPELAIN-MIDY Dahlias au fond New. (Phot. Bonnefoy.)