et fussent si peu dignes qu’on les écoutât… 51. Michel Piccoli, dans le rôle de Christian — qui rejoint Estelle dans l’ennuyeux caveau — et Allem Suzet Mais ont affirmé leurs solides talents, sans réussir à vaincre nos répugnances pour la grosse laideur de leurs personnages. fine pièce de Claude-André Puget, c’est une belle promesse. L’oeuvre de ce charmant auteur, tourmenté de nouveauté, se divise en comédies modernes et en drames histo-riques. A coup sûr, ses préférences vont aux seconds ; trais peut-ètre brille-t-il meux dans les premières… Le cœur volant, au théâtre Antoine, est le nom d’un navire de flibustiers, qui roule sur les mers en 1666 ; navire cor-saire qui rentre au port de Saint-Malo pour que Guillaume, gentil marin, y épouse son amie d’enfance, aussi agréable de cer-velle que de corps et de visage. Tel est l’ordre de la vieille dame dont ils se parta-geront, une fois mariés, l’héritage. Mais Guillaume et son camarade Vincent ont signé un pacte de » matelotage a, lequel, en plus d’une amitié réciproque, comporte l’engagement de partager l’épouse. Au sort des dés, l’un lui donnera son nom, l’autre aura la nuit de noces, l’inauguration amou-reuse. Pacte contre lequel s’insurge Jeanne Dieulevent… Et elle finira par triompher, après avoir craché le baiser que Vincent lui impose de force, et avoir discuté de toute sa sagesse et de tout son esprit. Mlle Gene-viève Page a été adorable dans ce rôle décidé et véhément. MM. Arrien et Claudio, très vraisemblables dans leurs personnages de e matelots s, si peu vraisemblables. Mme Bretty et André Brunot, dans des rôles brefs mais brillants, ont donné leur riche appoint à l’interprétation ; et Walthevitch a construit un intérieur de vaisseau sous le roi Louis XIV, tout à fait merveilleux. La pièce a pris son vol, entourée de nos voeux. Elle n’est pas allée aux nues. Quand ceci paraîtra, les délicieux comédiens amateurs qui nous ont apporté d’Alger leur comédie-revue improvisée par eux-mêmes, la Fatal lle flernande, seront hélas ! repartis. Ce furent d’exquis météores. Ils nous ont conduits dans un quartier populaire d’Alger, .3 Alger sans rebelles, où l’on discute et dispute entre voisins, où l’on chante, danse, se fait des niches, et où, bien entendu, les jeunes s’aiment. Cela nous a pansé le coeur et fait rire du meilleur rire. Voilà un bon souvenir. D’un certain point de vue une bonne action. Ils avaient pour asile le théâtre de Rochefort. Erasme a écrit l’Eloge de la folie. M. Alfred Adam, homme de théâtre du cheveu à l’orteil, s’est aGsé d’écrire un Eloge de la paresse. Il l’intitule la Terre est bosse (théâtre La Bruyère) ; des mots qui font image et où se condense le caractère d’Hip-polyte Marochon, incapable de se fatiguer et disciple inconscient de Tristan Bernard qui disait La preuve que l’homme n’est pas né pour travailler, c’est que ça le fatigue. » Désireux de ménager ses forces, il se met au service » d’un monsieur d’argent qui partait en croisMre en Grèce et à qui il fait manquer son train tant il est bavard et singulier. Il sera donc le parasite et le bouffon du ménage Armand et Olga Afanard, qu’il emmènera dans un caboulot de Provence se reposer et jouer à la pétanque. Il ne se fati-guera male pas à répondre aux agaceries d’Olga que l’ennui lance dans les pensées adultères ; puis de parasite il deviendra sau-veteur; car Manard a des affaires louches dont Hippolyte se dénoncera comme le vrai coupable. C’est lui qui ira en prison. En prison, on ne travaille guère. C’est son Edeo. I, pièce, gaîment enlevée par l’auteur, excellent comédien, par le chansonnier Grello, débutant au théâtre, embellie de la présence pittoresque de Dufilho en ouvrier plombier — l’un des comédiens les plus divers et du plus haut relief que nains ayons, —’a pas diverti autant qu’elle s’engageait à divertir. Alfred Adam a bien le temps de mieux faire. Une traversée sur l’He-de-France, cabine 189 (très fidèlement reproduite toile de Jouy, terrasse sur l’Atlantique), voilà ce que nous offre M. Jacques Deval dans la Prétentaine, quiaura un suce. fco. Ce n’est rien, un souffle, un rien, chanterait Rip. Mais c’est bien fait. Sous le lit de la cabine 189, Martine (la très belle et habile Françoise Christophe) découvre un passager clandestin, Raoul (Philippe Nicaud), qui s’est glissé dans le navire à la poursuite d’une jeune Améri-caine milliardaire et qui semble l’aimer d’un amour effervescent. En vue de New-York, l’Américaine aura troqué son fiancé contre un yacht, et Martine aura eu le temps en le cachant, en lui procurant de fines nourritures, de goûter la gentillesse de Raoul et il repartiront dare-dare pour Paris qui les vit naître, lui, près de Saint-Gervais, et elle rue Mouffetard. Oui, c’est moins que rien ; cela rappelle les futilités de la Belle Epoque rose, dont toutes les meringues se sont affaissées, effritées. Mais on a ri. Et la salle était enchantée. C’est léger comme une de ces ombelles de pissenlit qu’on envoie, d’un souffle, porter un message d’amour ou d’amitié… Les deux remarquables prota-gonistes sont triplés de M. Jess Hahn, iné-narrable en Américain fou, éléphantia-tique et rebondissant comme un ballon d’enfant. La Comédie-Française a donné une reprise d’// ne faut jurer de rien à la fois exsangue et pesante, sur laquelle je n’insiste pas. Et elle y a joint un acte exquis, adorable de Marivaux, la Réunion des .47.10.e que beau-coup de critiques, mes amis, n’ont pas, à mon avis, apprécié comme il le mérite. Ils ont pris l’extrême de la finesse poux de la préciosité ; et ces phrases adorables pour de la rhétorique. En tout cas, Micheline Bouder y montre une vivacité et une grâce qui sont du plus pur Marivaux. Yvonne Ge. deau et Lise Delarnare sont belles àravir et ont de l’esprit. Cela mérite d’être vu, et plus encore écouté, dégusté ligne à ligne. Je n’ai pas la place de parler du Journal d’Anne Frank, au théâtre Montparnasse, qui est l’événement de ce début de saison une oeuvre admirable, profonde, vengeresse, qui serre le coeur, qui étouffe, qui bouleverse. Marguerite Jamois l’a mise en scène avec une sensibilité, une justesse, des inventions qui lui méritent des agenouillements. Elle a donné un style parfait — naturel et émotion, simplicité et nuances — à l’interprétation où se distingue Etcheverry. Mais tous ses camarades sont parfaits. Et le rôle d’Anne (jamais je ne pourrai écrire de Anne, comme sur l’affiche et le programme I) est tenu par une petite fille de génie, Pascale Audret, si jeune, si vraie, si gaie et si douloureuse, que vous m’auriez vu pleurer à chaudes larmes. Une grande soirée ! J’y reviendrai. La pièce de M. Georges Schéhadé, Histoire ale Vasco, presque intolérable, ne mériterait pas deux lignes de commentaire si nous n’étions pas consternés du choix qu’en a fait Jean-Louis Barrault pour son retour à Cette Paris. pièce longue et creuse, d’un antimilitarisme grossier et banal, d’un paci-fisme primaire et sans argument, sera heureu-sement oubliée quand ceci paraîtra. Pour que l’on ne me prenne pas pour un rétrograde, je voudrais pouvoir citer le nom du vrai poète qui m’écrit „Ce faux théâtre, d’une hâblerie guère supportable, sa poésie de pacotille m’ont inspiré une antipathie égale à la vôtre. a Ils seraient bien attrapés, si je disais ce nom, les snobinets et snobinettes qui ont découvert dans Vasco de la poésie et de l’esprit — vertu dont avec évidence il est plus dépourvu que le colonel Ramollos. Bah ! Je le dis c’est René Char. ROBERT Kessr. 53