anciens. Voilà l’innovation, l’alliance imprévue, la nouvelle entente t les tentures modernes mettent en valeur les meubles anciens. Il suffit, cela va sans dire, d’en choisir le motif et la teinte avec circonspection. Ainsi nos décorateurs ont donné un relief nouveau à des styles longtemps décriés (Napoléon III ou 1900) en les débarrassant de leur surcharge. Les doubles rideaux traités en tissu moderne sont de simples pentes, posées sans aucun accessoire sur une tringle qui doit être soigneusement choisie (acier terni, bambou, bois précieux, etc.)ear elle est apparente, contrairement à celle des décors de fenêtres anciens que nous avons traités dans notre précédent numéro. L’art du tapissier se limite ici au choix des accords de tons avec les murs et le sol, toujours en fonction des meubles à présenter. Il évitera l’erreur de base, tempérera l’audace ou bien apportera la note originale qui signe une instal-lation réfléchie. Prenons conseil et ne soyons pas timorés tous les tissus nous attendent. Notre reportage vous fait pénétrer dans une usine nouvelle. Plusieurs milliers de kilomètres de toile unie passent là chaque année pour recevoir les impressions du jour. C’est dire le succès croissant de cette technique mise au point au xvitie siècle par Oberkampf. Elle permet de multiplier chaque saison les patrons, créant une mode qui incite aux changements fréquents. Dieu merci, nous sommes loin de la paire de rideaux et du dessus de lit achetés par les jeunes ménages en 1900 et qui devaient durer toute une vie ! ALLÉGEMENT DE L’ANCIEN Les éditeurs sont unanimes à déclarer que les créations modernes sont interdites à la soierie. Un patron destiné à l’Élysée fut créé en 1925, d’après un dessin de Dufy, mais l’exemple n’en a pas été suivi. Pour deux raisons. La première est que la mise au point des maquettes actuelles serait ruineuse, parce que celles-ci comportent un trop grand nombre de coloris. La seconde raison est psychologique. Si les acheteurs trouvent naturel d’acquérir très cher les soieries classiques copiées de l’ancien, leur, réaction serait tout autre devant un tissu d’inspiration moderne, de même prix. A leurs yeux, seul le passé, ou plutôt l’imitation du passé, justifie une grande dépense. La fragilité est l’inconvénient majeur de ces étoffes précieuses qui se concevaient pour des personnes elles-mêmes vêtues de soie. Nos vêtements, souvent de rugueux lainage, arrachent et s tassent ,, les damas et les brocarts. Canapés et accoudoirs de sièges en souffrent singulièrement. Mais le goût demeure de la belle soierie. Pour répondre à ce désir et suivre en même temps la mode, les tisseurs simplifient les documents anciens, souvent très chargés, modifient insensiblement les coloris, adoucissent les fonds au profit des motifs… En dehors de ces tissus de série destinés à la clientèle particulière, les grandes maisons de tissage travaillent la soie à lamain, comme autrefois, reconstituant des étoffes merveilleuses pour les châteaux, pour les musées de France et de l’étranger. L’État, les NIonuments histo-riques, quelques riches amateurs aussi, restaurent lente-ment mais efficacement notre patrimoine. Trois chefs-d’eeuvre sont en cours d’exécution t un velours de soie pourpre destiné au château de Pau ; un brocart d’or et d’argent large d’une aune qui garnira la chambre de Louis XIV à Versailles et une délicate soierie brochée pour la chambre de Marie-Antoinette, identiques aux étoffes d’origine retrouvées au garde-meuble du palais. C’est là la part glorieuse de notre production nationale. 41 LES TISSUS EN VOGUE Les belles toiles et les satins de coton remplacent peu à peu les percales glacées, séduisantes à mais dont les plis font de fâcheuses cassures. Les fonds noirs, ainsi que les dessins purement géomé-triques, sont en défaveur pour avoir été trop vus. La toile de Jouy rose de notre enfance prend un attrait nouveau quand elle est traitée en vert olive, bleu foncé ou même gris anthracite, telle qu’on la voit en ce moment, encadrée de galon cerise, aux murs de certains magasins élégants du Faubourg-Saint-lIonoré. Tous les velours plaisent velours unis à larges rayures pour l’Empire, le Directoire et les canapés anglais, velours de Gênes pour les sièges Louis XIV. Les meubles Renaissance se trouvent toujours bien de la brocatelle, en soie naturelle tramée de lin. .Aux sièges du xvtile siècle conviennent les damas, dans les coloris chauds, lumineux et les brochés à fleurs, dans les tons doux. (Leurs dessins ont été allégés, simplifies, contrite nous le disions plus haut.) Pour accompagner et mettre en valeur leurs impressions, les éditeurs modernes étudient souvent des unis de base liés à une dominante de l’impression. Les tapissiers peuvent ainsi accorder les tissus des sièges et des doubles rideaux, partant du principe qu’on ne demande pas aux uns les qualités des autrest sistance à l’usure ou a soleil, opacité ou transparence,ré proportion des rnotifs…u line remarque générale après une longue période d’austérité les intérieurs s’étoffent den ouveau. Dans les ensembles les plus modernes comme autour des mobiliers de style, les surfaces nues disparaissent. On revoit les panneaux décoratifs, les portières, les alcôves tendues de tissus, et les murs se recouvrent de tapisseries qui s’harmonisent avec les sièges et les doubles rideaux. DE FRANCE ET D’AILLEURS C’est notre production de soieries anciennes qui nous ouvre les plus grands débouchés à l’exportation. Elle nous place sur le même rang que l’Italie, berceau du tis-sage de la soie. qui doit elle-même cette industrie à l’Orient. Pour mettre e saleur leurs meubles de style, Anglais, Américains et . Hein:nids viennent chercher en France des soieries essetiment copiées sur l’ancien. Le velours est traditionnellement français, mémo lorsqu’il se nomme e de Gênes,. Sa vogue, un moment interrompue, prend cette année un nouveau départ. Grâce à ses chintz, la Grande-Bretagne conserve sa place sur le marché des impressions, bien que depuis trois ans le France ait gagné des points dans ce domaine. Nos usines supportent la comparaison pour ce qui est de la qualité, mais leur débit n’est pas encore assez important pour battre les Anglais sur le terrain des prix. Nous expor-tons néanmoins dans de très bonnes conditions nos impressions classiques et couvrons mitre marché intérieur. En dessins modernes, allant jusqu’à l’abstrait, quelques pays étrangers nous donneraient plutôt l’exemple. Les États-Unis présentent des tissus très audacieux. L’Italie, tout à l’avant-garde, dans sa décoration comme dans son architecture, est quelquefois trop exubérante dan, ses choix de couleurs, mais bien au point dans sa technique. En fait, ce sont les pays scandinaves et particulièrement la Suède qui fabriquent les meilleurs tissus modernes. Il arrive que nous leur achetions des maquettes ; ajoutées à celles que dessinent nos propres artistes, elles répondent aux désirs de la clientèle française. Qu’on le veuille ou non, notre esprit et notre œil s’adaptent tous les jours davantage à une conception plus hardie du décor. NNE FOURNY.