r ine.,77> mais il ne regardait que la juxtaposition des teintes profondes ou métalliques éveillées par un rayon de soleil et qui résonnaient en lui tel l’un de ces accords à la fois durs et charmeurs, éclaboussant d’étincelles, dont il avait le secret. Maintenant écoutons « la Valse ». Le compositeur en a lui-même suggéré le cadre… Un palais immense où tourbillonnent des couples enivrés par le vertige du rythme… C’est la valse poussée à son paroxysme mécanique et féerique, la valse vue à travers un miroir légèrement déformant… Écoutons « Daphnis » il ne subsiste, amplifiées, magnifiées, que la douceur de la « bergerie », la violence exaltée de Phoebus, la fierté souveraine d’une nature affectueuse et toute bruissante de vie. A Montfort, le Belvédère est là tel que son maître le quitta. Coeur des petits personnages mécaniques qui se pressent sur les bureaux, le piano a cessé de battre à l’heure où mourait le magicien. Mais, figés dans l’attitude où l’épuisement de ses ressorts les immobilisa, ils portent témoignage sur la poésie, la tendresse, la discipline des êtres et des idées que Maurice Ravel, à travers l’art, estimait. Lorsqu’on quitte Montfort pour s’enfoncer dans la forêt, c’est le décor dont le musicien rêvait pour ses compagnons de solitude que l’on semble cambrioler. Sous les voûtes de cette cathédrale de feuillage, il partait souvent pour tenter d’apercevoir un chevreuil ; sous cette mousse chaude, dans ces feuilles mordorées qu’il remuait de sa canne de verre, il venait chercher aussi gnomes et lutins qui étaient ses amis. Eux seuls connaissent les secrets d’une nature majestueuse et triomphale, lui seul pouvait traduire en musique leurs confidences. « Daphnis », « Ma mère l’Oye », « l’Enfant et les sortilèges », le « Boléro » issu d’une Espagne fictive et aussi le « Quatuor » ne sont-ils pas les fruits de leur complicité ? Claude BAIGNÉRES. 23