Maurice RAVEL Il a révolutionné la musique du XXe siècle et fait triompher le génie latin. Vingt ans après sa mort, Maurice Ravel nous a-t-il livré tous les secrets de son art ? LA musique est comme le bon vin, d’abord on la goûte, ensuite on en parle et si l’on en parle c’est pour mieux en analyser le fumet et le bouquet. Depuis vingt années que Maurice Ravel est mort, les plus subtils « taste musique » ont minutieusement dégusté son œuvre ; au fur et à mesure que passaient les jours, ils y ont découvert des richesses nouvelles qui venaient délica-tement flatter leurs oreilles. Si bien que même dans ces « Concertos », ces ballets, ces « Mélodies » dont la mémoire du monde entier est aujourd’hui enivrée, nul ne peut dire si demain on ne discernera pas pour la première fois des harmonies, des couleurs ou des pensées que le génie ravélien a répandues en nous laissant la surprise d’en retrouver peu à peu les sortilèges. Comment essayer de brûler les étapes pour parvenir à une plus totale connaissance de cette œuvre inépuisable? Un homme de génie est toujours plus ou moins la résultante des forces créatrices multiples mais dispersées de son temps. Il peut être regardé comme la reine des abeilles sans cesse ravitaillée par un essaim de servantes stériles qui comptent sur leur souveraine pour assurer leur postérité. Le milieu, l’ambiance, le décor dont s’entoure un compositeur peuvent aussi fournir des indices sûrs. Il est alors mille signes extérieurs susceptibles d’indiquer la piste qui mène au trésor original et inviolable. En définitive, si un artiste recueille consciemment ou non les échos qu’il perçoit autour de lui — et qu’il est bon ensuite de traquer pour le mieux comprendre — il révèle son caractère, son esthétique, son cœur et son âme non seulement dans sa musique, mais aussi dans cette sphère d’influence où il vécut parce qu’il s’y plaisait, l’ayant choisie puis modelée à son image. « J’ai toujours préféré inventer moi-même mes thèmes folkloriques et j’ai imaginé d’excellentes danses villageoises en traversant la gare Saint-Lazare » Maurice Ravel souscrivait volontiers à cette boutade de son ami et condisciple Florent Schmitt ; il ne fera jamais d’emprunt direct au répertoire populaire, mais de Ciboure à Fez, d’Oxford à Montfort-l’Amaury, il s’imprégnera des soleils, des parfums, des reflets irisés ou scintillants qu’il va métamorphoser en musique d’un coup de plume magique. Montfort-l’Amaury fut son royaume. Là, au cœur de l’Ile-de-France, ce Basque d’ascendance savoyarde trouva le carrefour de toutes ses aspirations esthétiques un horizon, large comme la mer, une forêt peuplée de fées, une colline échevelée que couronne un château fort en ruine, une maison minuscule, qui se détache avec précision sur le ciel laiteux du printemps. La silhouette de cette demeure est à elle seule déjà révélatrice de l’humeur de son propriétaire. Une architecture nette, simple mais rehaussée de mille détails compliqués un balcon en miniature suspendu devant une fenêtre braquée sur l’infini, un belvédère couronné d’une sorte de chapeau chinois, le tout à l’échelle des bergeries et boudoirs du hameau de Marie-Antoinette. Un jardin japonais, dont les fleurs rares furent disposées dans la rocaille après de savants calculs, s’épanouit comme une flaque de couleur au pied d’un escalier de bois qui mène directement au premier étage. La lumière pénètre par grandes vagues dans ces pièces étroites où les poupées de chiffon doivent se prendre pour les géantes figures taillées par le ciseau des sculpteurs de Pile de Pâques. Toutes les propor-tions sont ici déconcertantes ; on entre chez Maurice Ravel comme si l’on pénétrait tout à coup dans les rouages compliqués mais précis d’une pendule. A peine franchi le seuil, nous constatons que notre compositeur a laissé ici trois empreintes qui permettent d’identifier sans risque d’erreur son génie. Trois empreintes d’apparence contradictoire, mais qui cachent trois désirs, trois caprices dont la fusion engendre ce métal dur, étincelant, dont aies „a mange ,93,est forgée son œuvre d’abord cet irrésistible besoin de contempler un horizon que rien ne vient ans.,1a, eleison de hilontfor.t-‘endre Ces ,iOietrtemagreie. I?