son énergie, tom son potentiel, à soutenir des rôles formidables sous lesquels elle plie. Je suis heureux de le redire elle est bien meilleure en Hécube. C’est qu’il y a moins loin de Corinthe à Trine que de Corinthe à Poti ou à Batoum. La civilisation troyenne devait ressembler, à de légères nuances mes, à la grecque. Andromaque est presque une Grecque, telle que leur Euripide et notre Racine l’ont faire. Hécube est une vieille femme. Elle a eu des tas d’enfants. Son corps, d’où jaillissent des cris effrayants, lesquels s’achèveront en abois de chienne, selon la légende — mais Euripide nous les épargnés peut être un petit corps, réduit par les ans, la souffrance, la défaite, les perspectives de l’esclavage, la honte. Si elle a eu des parures d’or, les vainqueurs ne les lui ont pas laissées. Elle est déjà la vieille servante du Roi des Rois. Elle s’adresse à d’autres captives qui tremblent d’erre bientôt souillées par les soldats ivres de leur victoire. C’est pour éviter cette dégradation que Polyxène accepte d’être sacrifiée aux mânes d’Achille. Mais le prêtre étranger ne la touchera pas. Elle se poignardera elle-même. Dans ce rôle de Polyxène une actrice, jeune et de fière beauté, Anna Synodinou, rivale montante, dit-on, de Mme Paxinou, a été remarquable. Son rôle est court : quelques attitudes, la surprise du sort qui la menace, puis son redressement et le discours de grand rhéteur par lequel elle défend sa thèse mieux vaut le suicide que l’esclavage et une honteuse défloration. Vraiment, Mme Syno-dinou a été digne du texte d’Euripide. Et ici, j’amorce, par une erreur, une remarque importante. Nous n’avons pas entendu le texte originel ! J’avais relu — en m’aidant parfois d’une traduction, il faut être franc — la Médée et lHécube, d’Euripide. J’espérais que, même à travers la prononciation moderne des Grecs, qu’ils croient juste mais les mantes en Sorbonne, les Croiset, les Fougère et le bon grammairien Goelner, m’ont per-suadé qu’elle est fausse, — j’espérais,! oui, reconnaître les vers d’Euripide et en avoir la pleine intelligence. Or je n’ai pas compris un mot de ce que disaient les interprètes ! La prononciation me déroutait ; et surtout, il fallait se rendre à l’évidence Euripide était traduit en grec moderne par MM. Prevalakis pour Médée et par M. Mélachrinos pour I lécube. Déception… La rythmique du trimètre Zafirion Diamantidou, Capitsinea, etc. A elles toutes les palmes. Ce fut un voyage enivrant. Je voudrais dire longuement l’émerveillement que donne la route, entre les rochers d’or et la mer, qui mène d’Athènes au cap Sounion, où demeu-rent, comme des guetteurs, à la pointe d’un roc d’or, quelques colonnes du temple de Poseidon ; et celui qu’on ressent, pendant 240 kilomètres, sur la route de Delphes. Quel étonnement devant ces pierrailles d’art ! D’Athènes à mi-chemin, dans l’Attique, rien que du rocher stérile et des semis de cailloux. Comment pouvait-on et peut-on Le ‘lueur harmonie’, des Corinthiennes et M. premier ride de la troupe, M., Paxinou, dans le iambique, à laquelle Louis Haves m’a jadis soigneusement initié, je ne la retrouvais pas davantage. En élève de l’École d’Athènes, qui sait le grec moderne admirablement, m’a dit que c’était de la prose, vaguement scandée par instant à la façon claudélienne. Mais des amis grecs soutenaient que c’étaient bien des vers réguliers, de treize syllabes, désormais, très réguliers. Alors, j’aim le vertige. Cc dont je suis sûr, c’est qua on oreille c’était de la prose ; et une prose, malheur àmoi, inintelligible… Jr nommerai seulement quelques interprètes masculins, comme M. Kotsopoulos (Jason), NI. Cana kis (Égée), M. Apostolides (Créon) ; et encore les mêmes dans les rôles de Polym-nestre (dont Flécube fait crever les yeux par ses servantes), Agamemnon et Ulysse. Bons interprètes moyens ; et dont la prestance ne frappait point. Ils ont pourtant à Athènes de beaux gars, des Achille, des Hector et même des Antinoüs… Mais le théàtre athénien parait souffrir de la même crise que nous une crise de beauté virile. Pour la gourmandise que ces doux noms me donnent — on voudrait les garder en bouche comme des bonbons — je citerai ceux de quelques choreutes : Mire Panayotou, Sur les degrés Cu/rimés de la mine de l’Odéon, les Troyennes qui romposenl le ‘lueur d’Hécube prennent iniensémeni pars d r’a’tion. Elles anis incarnées par- de jeunes Athéniennes. korropoulos, sous /a chlamyde de Jason, entourai/ le ride de Médée, qui lui for moires favorable qu’Hécube. encore se nourrir de ces déserts durs, hérissés, où poussent de rares oliviers et de maigres tiges de mais ? En Béotie, on voit quelques champs rectangulaires, comme chez nous… Ce sont surtout des champs ale coton et quelques verdures comestibles. Mais voici la masse grise, énorme, du Parnasse que l’on contourne. Et ce sont encore des étendues stériles, des escarpements vertigineux. Jus-qu’au merveilleux rocher delphique où se voient les dalles qui, en serpentant, montent au temple d’Hélios. Au centre, une cavité rectangulaire, ténébreuse c’est là qu’on descendait consulter la Pythie quand elle vociférait et écumait sur son trépied. Mais de là le paysage est d’une incomparable splendeur une assemblée de croupes monta-neuses d’un roux qui rosir au lever du dieu et étincelle… Entre deux croupes, un ruban bleu, d’un bleu d’aigue-marine la fin du canal de Corinthe et le début du golfe, devant le petit port d’ho. Au delà, les hauteurs, encore, de Corinthe, l’Acrocorinthe. Ces paysages s’embellissent de nos souvenirs littéraires, sans doute. Mais je crois, malgré cela, qu’on ne peut rien voir sur terre de plus noble ni de plus parfait. R. K.