RYTHMES DU MOIS R E P 1 IS It 0 It I. I K L M P de / ‘ e a dl , 1, I e nef ai se DEUX TRAGÉDIES A ATHÈNES J1, vices de von Méelée et Héashe à Athènes, au cours du Festival 5958. Quelle merveil-leuse salle de spectacle 1 I, théâtre de Dionysos, l’ancêtre, où furent créés les Suppliantes, d’Eschyle, la première de ses tragédies conservées, Antigone, CEdipe roi, tout Euripide, étant trop petit pour contenir une foule d’aujourd’hui et trop délabré, on jouait dans l’Odéon d’Hérode Anricus, son voisin, qui flanque lui aussi le roc sacré de l’Acropole. Au-dessus de nous, sous les projecteurs, le divin Parthénon, dont le marbre étincelant de blancheur, veillait sur la cité, bijou d’ivoire ou d’albâtre, contre le noir profond de la nuit. L’entonnoir des gradins était comble jusqu’au bord de spectateurs passionnés… Le mur du fond, de style roman, percé de quelques fenêtres en plein cintre, répercutait les voix des acteurs comme notre mur d’Orange. Une musique sobre intervenait parfois pour saluer l’entrée d’un personnage ou soutenir les choreutes, aux minutes espacées nu elles se mettaient à chanter… Ces représentations touchaient, au moins par un point, au sublime. Je regret-tais un peu qu’Eschyle et Sophocle ne fussent pas du gala. Mais, avant notre arrivée, on avait donné Antigone, avec la même splendeur et le même succès. Quand je dise un point iJ, c’est que je songe aux choeurs. Nous n’avons encore rien vu de pareil à Paris, même lors de l’Orestie, de Barrault, qui avait trop raffiné, et écouté les métriciens patentés. Ici tout était simple et d’autant plus beau. C’est qu’on avait d’abord choisi, pour être les Corinthiennes qui assistent au crime de Médée et les captives Troyennes qui entendent Hécube gémir sur l’égorgement de sa fille Polyxène, sur l’autel, et sur le cadavre de son dernier fils, Pol assassiné et iancé à la mer qui le déposa sur le sable, seize jeunes Athéniennes d’une rare beauté et d’une intelligence toute grecque. Leurs visages purs, toujours expressifs, la noblesse de leur silhouette, les plis de leurs vêtements, leurs chastes coiffures, dès qu’elles arrivaient dans l’orchestre, en cortège, nous donnaient le choc de la beauté parfaite. Elles se divi-saient ensuite en deux groupeségaux qui ns s’entrecroisaient, se regroupaient da l’épou-vante, imploraient les dieux toutes ensemble, les bras levés vers le ciel. Elles parlaient aussi. Il y avait un solo. Une voix fine et nette, un fil d’argent, vibrait dans l’immense amphithéâtre, flûte ou violon… Puis tout le choeur ensemble parlait ; et les consonnes sortaient, à la même pointe du temps, comme si seize dactylos frappaient à la fois la même lettre… De temps en temps, une strophe chantée, sur une mélodie ingénue mais expressive, s’étirait dans l’air… On pensait à Sapho, porteuse de lyre. Et ces seize jeunes filles avaient des élans vers la soie 56 France, des reculs soudains, des sursauts, toutes ensemble. Voilà peut-être le secret de cette beauté chorale inventée par la Grèce la multiplication. Un poing levé pour adjurer, au bout d’un bras de statue, c’est beau. Mais trente-deux poings levés ensemble, seize visages s’enfermant à la fois dans É pli du coude, seize agenouillements, quel effet cela produit sur l’âme ! Quelle puissance y prend l’intention du poète ! On a envie de les imiter, ces enfants admi-rables. Elles devinent et elles amplifient les émotions que le public doit éprouver, va éprouver, aiguisées et élargies… Elles sont le premier public de la tragédie. Et quel public intelligent, qui comprend et explique ce que pensent les personnages, pressent ce qu’ils vont faire, les encouragent ou les supplient pour qu’ils poursuivent ou renoncent !… Elles sont intégrées au drame. Elles ne veulent pas que Médée égorge ses petits. L’ambition basse de Jason leur fait faire seize mimes de dégoût ; elles sont terrifiées quand on soulève le voile qui rec ouvre Polydoros gonflé et verdi par l’eau salée. Le directeur, M. Alexis Minons, et le metteur en scene, M. CL ClonÉ, qui, après bien des essais, sont parvenus à ce résultat boule-versant, sont de grands artistes. S’ils n’ont pas dissipé tout le mystère qui entoure encore le choeur antique et désespère les archéologues, ils en ont du moins proposé une solution merveilleuse, aussi émouvante que celle d’Euripide. L’éloge des protagonistes, femmes et hommes, Sera plus rapide et moins chaud. Les artistes du Théâtre National Grec, je ne puis vous en donner une idée qu’en disant qu’ils ressemblent aux tragédiens dont nous dispo-sons à Paris. Et ce n’est pas assez pour les hauts chefs-d’œrmiv. Ils n’ont pas Marie Bell, dont leur vedette, Mme Paxinou, est assez. éloignée. Ce qui lui nuit, clans mes souvenirs, c’est le ci intresens qu’elle commis dans Médée ; mais elle a pris une petite revanche en 1-/iarbe. Car elle nous a présenté une Médée de petite taille, vêtue de brun, avecne écharpe ou ceinture verdâtre, de faibleu prestance et de tris peu d’éclat. Or, Médée, la sorcière, la vamp caucasienne, la séductrice terrible, aujourd’hui supplantée et d’autant plus féroce, doit être grande, belle… Belle comme une Salaininbii, et étrange comme elle. Car elle est, à Corinthe, l’Étrangère, la femme qui vient de loin, la barbare déjà criminelle, qu’on ne devine pas, dont le sang n’est pas le sang grec et qui, par son union avec Jason, n’a pu que le corrompre et promettre au peuple des pÉnces métissés. Une mystérieuse ; et presque un épouvantail. La Grèce la rejette, comme les globules blancs du sang combattent un microbe mortel. Il doit y avoir, de la coiffure aux sandales, dans le teint, le coloris exalté des robes et une certaine quincaillerie bijoutière, un contraste éclatant entre elle et les Corin-thiennes du choeur. Médée les ,, esbrouffe et elles tremblent à l’idée de ses sortilèges. Or Mme Paxinou avait l’air, avant de crisper avec effort son visage et de se tordre les bras, d’une honnête matrone de la ville ; de la maîtresse d’école (classes supérieures) au milieu de ses pupilles. La voix manquait de raucité. Il faut que la voix de Médée rappelle le Caucase et ses rocs et ses pics ; que le doux parler grec durcisse dans sa bouche. Vous voyez ce que je veux dire. Et ce que je veux dire n’y était pas du tout ! Je suis navre moi-même d’être sévère envers une actrice renommée et qui dépense toute