Première joarnée à Palerme. — Vous voici tête à tête avec la petite auto. Demandez-lui de vous conduire à deux pas, via Stabile, où vous avez une chambre retenue à l’Alhergo Touring. C’est un « meublé (nous ne tenons pas aux palaces). On vous y servira le petit déjeuner ; les autres repas, vous irez les prendre ici et là, amusément. De récente fondation, cet albergo ceci de particulier qu’il occupe le huitième étage d’un immeuble neuf-; de là-haut, par-dessus les toits de tuiles couleur de rose sèche, vous jouirez d’une vue « pitto-resque « et très suffisamment étendue sur cette Couva d’Oro qui, au point du jour, visas est apparue dans toute sa splendeur, du pont de votre paquebot napolitain. Bonne traversée, n’est-ce pas, et mer d’huile ? Vous voilà fraiche et dispose. Qu’il vous suffise donc de prendre contact avec cette chambre simple et gaie (elle possède une petite terrasse individuelle), où vous allez vous installer pour cinq jours et quatre nuits… Redescendons vos huit étages (deux ascenseurs). Ce n’est pas aujourd’hui que vous entreprendrez la visite de Palerme. Allez l’admirer du dehors et de terre. Pour cela, filez droit (7 kilomètres) sur Monreale, à mi-hauteur des pentes qui ferment latéralement la Conque. Je désire que vous vous liiez avec la Sicile par l’une des plus bel-les églises du monde chrétien. Ce Duoino est typiquement paler-mitain : normand dehors, et, dedans, tout revêtu de merveil-leuses mosaïques byzantines… Féerie du lieu ; et féerie du cloître (illustre) qui l’avoisine. Elle a beau savoir ce qui l’attend, l’Amicie qui sortira de ce cloître ne sera plus tout à fait l’Amicie qui y sera entrée. N’est-ce pas d’ailleurs pour de telles aubaines que l’on voyage ?… Déjeunez sur la terrasse d’une lm-arida (j’ai oublié son nom), tout de suite à gauche du Duateo. Vous vous y délecterez d’une tourte de parle e annuelle, l’arrosant d’un robuste vin du pays, pourpre à en La Grande Grèce. Cet épi de blé, ce profil, ce eralee ont été frappés par l’art ,grec, frappe impérissable et monnaies sans prix. Pbocoraphi,, marc, Lombard. Partez de bon matin, munie d’un repas froid. Une superbe route circule d’abord entre mer et montagne parmi d’innuméra-bles vergers-potagers; sous les orangers, citronniers, amandiers et caroubiers, les légumes prospèrent goulûment. Après la traversée de deux ou trois villages fardés de rose-baiser et pavoisés dans toute leur longueur de géraniums arborescents, vous atteindrez Alcamo, petite ville sarrazine habitée par d’étranges grandes filles aux regards d’une fixité troublante, bâties comme des statues d’airain et qu’on dirait descendre d’une race née des mythologiques amours d’une mortelle et d’un dieu… Au delà d’Alcamo, l’on pénètre dans une sorte de Sierra. Y gîte le fameux temple. Vous ne le distinguerez uère que le nez dessus, tant la couleur grise et have de sa pierre est exactement celle du sol hâve et gris qui le porte… Est-ce un très beau temple ? Trapu, tassé, il a les jambes un pets courtes ; mais il est tout debout, et dans une si totale solitude qu’on en a le cccur serré… Vous pique-niquerez là, sans avoir envie de rire, adossée à l’une des colonnes non cannelées (c’est un temple inachevé), doucement encensée par le parfum presque imperceptible de minuscules iris à la pâleur d’hostie ; presque sans tiges, ils s’extirpent par centaines de cette aire chauve, on se demande comment. Avant de vous éloigner de ce lieu à la funèbre beauté (vous êtes près d’un mort sans sépulture), ne manquez point de gagner, par un raidillon exigeant, le sommet du monte Varvaro un théâtre antique vous y accueillera, précieux et précis comme un coquillage ; il a pour décor immuable l’espace illimité de la mer et du ciel. Moins de 40 kilomètres séparent Ségeste de Trapani. Au plein ouest de l’île, c’est un port très vivant. N’y flânez pas nous n’y sommes que parce qu’il fut le port d’Eryx, l’une des plus anciennes cités de la Grande Grèce.. Juchée sur la masto-paraitre violet. Après quoi : sieste dans le jardin public (celui d’un ancien couvent). C’est une forêt de gigantesques arbres équatoriaux, ombrageant des tapis de fleurs. Il s’achève en à-pic au-dessus de la vallée du fleuve Oréto dont les savantes irrigations arabes, toujours en fonction, fertilisent une Terre Promise ; et Palerme tout entière, a siniera, s’étend jusqu’à la mer, entre ses deux glorieux promontoires, le Griffonet lePellegrino. Pellegrino. Ayant laissé en passant votre retturina garage, repartez à pied et gagnez, au bord de l’eau, un autre jardin. Soit, à l’ouest, celui de la Villa Igeia, qui est une forêt qui feint d’être sauvage, soit celui, à l’est, de la Villa Giulia qui, dessiné à la française, foisonne (d’où son charme ambigu) de plantes tropicales. Finalement, par le Foro (c’est-à-dire par l’ancienne Marina, corso déchu mais qui fut jadis fameux), vous rentrerez dans Palerme et y dînerez. Voici les noms et adresses de trois trattorie recommandables Pape galle, via Granatelli, il Renato, via Reale, et, à deux pas de l’hôtel, le Caprice, indigène malgré son nom français. Deuxième joarnée. — Vous êtes dans « L’Ile des Temples si il convient donc de donner cette seconde journée à l’un d’eux. Ce sera le temple de Ségeste (à 6o kilomètres, vers le ponant). dontesque presqu’île San Giuliano (7jo mètres d’altitude), Eryx était pourvue d’un temple renommé, dédié à la Vénus des matelots. Montez jusqu’à Eryx (ou Eeice), moins pour le temple vénusien dont il ne reste pas grand-chose, que pour l’incomparable vue, que pour la ville elle-même, saisissant pot pourri d’architectures diverses murailles phéniciennes, débris d’un temple romain, cathédrale à la fois romane, gothi-que et renaissance, forteresse et tours féodales, et jusqu’à un palazzino espagnol, du plus pimpant rococo. Troisième .jorernée. — Elle sera exclusivement palermitaine. Uniques en leur genre, les plus beaux et précieux monuments de la ville sont dus aux rois normands qui, aux rama et xurt s., régnèrent sur lite. Étonnante aventure — plus un conte qu’une histoire — celle des quatre frères Hauteville, petits hobereaux du Cotentin, qui, partis pour faire lac roisade, s’arrêtèrent en Italie méridionale et s’y taillèrent des royaumes. Or, Roger, « le grand roi de Sicile «, fut conquis par sa conquête. L’ile était alors simultanément occupée par des Grecs de Byzance et des Arabes de Bagdad. Les deux vieilles civili-sations méditerranéennes éblouirent le jeune barbare. Tout en restant normand, Roger, témoignant par là de la plus intel-19