Tuileries vouées désormais aux avatars les plus extraordinaires. Des locataires innombrables et disparates les occupèrent d’abord. Des grands seigneurs comme le duc de Luynes ou la comtesse de Marsan, gouvernante des Enfants de France (un pavillon a gardé son nom), reçurent les principaux appartements ; des « parti-culiers, artistes et gens de lettres » se partagèrent le reste. Fragonard, La Tour, Isabey, Pajou, Hubert Robert, les Vernet, Greuze eurent leur atelier dans la galerie. Servandoni transforma le théâtre bâti sous Louis XIV et où avait eu lieu la « première » de « Psyché », puis, vingt-cinq ans après, Soufflot et Gabriel y reconstituèrent l’Opéra dont la salle avait brûlé. La représentation du « Castor et Pollux » de Rameau marqua cette résurrection le 04 janvier 1764. Là s’illustra la Guimard. En 1770, l’Opéra permuta avec la Comédie-Française. L’apothéose de Voltaire pendant la représentation d’ « Irène » le ter avril 1778 eut lieu aux Tuileries. « Français, criait le vieillard, vous me ferez mourir de plaisir ! » Ce qui arriva en effet. Le ler décembre 1783, autre événement considérable : devant deux cent mille spectateurs entassés dans les jardins s’éleva le premier aérostat. Livré jusqu’aux toits à une population hétérogène, le château se dégradait sérieusement quand, le 6 octobre 1789, à huit heures du matin, un rrier hors d’haleine vint apporter l’ordre stupéfiant d’apprêter lescouTuileries de manière à y recevoir Sa Majesté le soir même. En douze heures, des centaines de locataires furent expulsés, 26 JUIN 1791. Part, des Tuileries à la faveur de la nuit, le carrosse royal. arrêta à Varennes, Mt ramené Paris en plein jour par une foule énorme et frénétique. 20 JUIN 1792. Environ un an plue tard, le peuple =Peary’VeCc le znzil tee= leurs logements hâtivement aménagés pour les personnes que la Révolution chassait de Versailles comme le roi et qui remplissaient deux mille voitures Axel de Fersen surgit, tenta d’apporter quelque remède à la confu-sion générale. Le ministre Saint-Priest le pria de se retirer, « sa liaison avec la Reine étant trop connue ». La famille royale arriva « en des appartements sens dessus dessous, pleins d’ouvriers et d’échelles. Les meubles les plus nécessaires y manquaient, ceux qu’on y trouvait étaient délabrés, les tapisseries vieilles et fanées, les salles mal éclairées ». (« Souvenirs » de Pauline de Tourzel.) Après quelques jours de campement, on s’installa : Louis XVI et ses enfants au premier étage, Marie-Antoinette au rez-de-chaussée. Cette séparation des deux époux consacrait un état de choses que le pauvre roi semble avoir accepté depuis le jour où, ayant reçu à. la chasse un « avis ni sur les relations de sa femme et de Fersen, il s’assit au bord de la route et fondit en larmes. Une petite porte faisait communiquer directement l’appartement de la Reine et le jardin. La Fayette, responsable du château, en remit la clef à Fersen. C’est ce que le Suédois nomme en ses lettres son chemin habituel ». A l’automne 1789, il pourra ainsi passer une journée entière en compagnie de Marie-Antoinette. t, Jugez de ma joie », écrira-t-il à sa soeur en lui contant la chose. Pendant tout le printemps suivant, il verra sa reine « librement chez elle ». Le temps, hélas ! n’est pas celui des amours. La Révolution assiège les Tuileries et les événements historiques se succèdent à un rythme de plus en plus rapide : émeute qui empêche Louis XVI d’aller communier à Saint-Cloud ; fuite de la famille royale dans des condi-tions que l’imagination n’oserait concevoir ; retour tragique de Varennes. Maintenant, le roi et la reine sont pratiquement prisonniers au château. Un soir de neige, le 13 février 170z, Fersen, de qui la tête a été mise à prix, réussit à s’y glisser par « le chemin habituel ». Pendant vingt-quatre heures il reste tapi chez Marie-Antoinette. « Couché là », notera-t-il en son Journal. Le lendemain soir, seule-ment, il rencontre Louis XVI auquel il propose en vain un nouveau projet d’évasion. Le 20 juin, le peuple envahit les Tuileries, mais se retire. Le 10 août, il donne l’assaut final, les Suisses sont massacrés, une monarchie vieille de treize siècles s’écroule. Photographie5 Giraud., Philippe ERLANGER. Dans notre prochain : de Marie-Antoinette à l’Impératrice Eugénie. 9