à une plainte ; on dirait l’involontaire aveu d’une détresse qui s’ignore… Pour comprendre un peu Naples, pour se mettre à l’aimer, peut-être faut-il, quand le soleil ne tire plus éperdument au-dessus d’elle ses grands feux d’artifice diurnes, l’avoir entendue exhaler son mélancolique et secret lamento. Il suffit de pénétrer dans les profondeurs et les épaisseurs de Naples et d’en visiter un peu attentivement les monuments pour que l’impression de se trouver dans une ville déguisée, dans une ville costumée se confirme. Naples s’est déguisée aux xvire et xville siècles. Auparavant, c’était une ville gothique celle des rois normands, souabes et angevins ; puis une ville Renaissance s’ amalgama : celle des rois d’Aragon et des vice-rois d’Espagne. De ces temps-là subsistent des édifices civils ou militaires : le Castel del Ovo, qui dresse sa proue crénelée sur la mer ; et, au bord de l’eau également, le Castel Nuovo où, entre deux tours féodales, massives et nues, s’insère, du côté de la terre, l’Arc de Triomphe d’Alphonse d’Aragon, chef-d’œuvre justement fameux du quattrocento toscan et qui a son frère cadet entre deux autres tours, celles de la Porta Capuana, élevée au xve siècle au-dessus de l’antique voie Appienne. Quant aux églises gothiques, Naples en est, pour ainsi dire, farcie ; ce qu’il n’était guère possible de soupçonner avant 1945, ces églises ayant été pour la plupart profusément surchargées, par les rois Bourbon, de parures rococo… Vous savez, Amicie, avec quel cruel acharnement la pauvre Naples, à la lin de la guerre, fut, de ciel, de terre et de mer, bombardée à la fois par les Allemands qui s’en allaient et par les Alliés qui arrivaient. Quarante églises alors ont été plus ou moins dévastées, et, entre toutes, Santa Chiala. Vieille de sept cents ans, c’était le Saint-Denis des Deux-Siciles. De très belles et très nombreuses tombes royales s’y remarquaient à peine, tant une folle prolifération de stucs, de plâtres, de marbres, et toutes les variétés de s trompe-Cecil ê avaient, au xville siècle, envahi lem onu-ment. Il va sans dire que tous ces colifichets, falbalas et fioritures, sans volume et sans poids, furent, par les bombes, souillés comme des meringues. Leurs tristes débris une fois évacués, on se trouva en présence d’une grande nef cistercienne d’un style très pur, des deux côtés de laquelle, alignées sous de hautes croisées ogivales, les tombes royales, désormais rafistolées, jouent de nouveau un rôle prépondérant. Si Bernin, le roi du baroque, est né à Naples, il n’y a rien laissé que d’insignifiant ; s il y règne par les ouvrages de ses élèves et de ses imitateurs, qui sont légion. Grâce à eux, Naples s’est distinguée dans les arts aux xvue et veule siècles, consi-dérés hier encore comme décadents, mais dont la réhabilitation est en cours de route. Quand vous serez là-bas, allez voir, à San Filippo Neri, la vaste décoration de Luca Giordano et celle, non moins vaste, au Gesù Nuovo, du Solimène. Ce sont des œuvres magnifiques qui, pour peu qu’on les regarde sans prévention, enthousiasment Les rivages de rêve Comme autant de balcons au-dessus de la mer, avec leurs orangers, leurs citronniers, leurs grenades éclatées et le cortège des couples romantique). Sorrente (1), Amalfi (2), Ravello .3 appellent clair de lune et mandoline). ‘ 111.;71%%1111iik