choisi des Nô tolérables aux esprits occiden-taux. Les costumes étaient splendides. Ceux de la soirée au Théâtre Sarah-Bernhardt furent beaux, sans éblouir. Bonne soirée au château d’Angers. On créait une adaptation par M. Albert Camus du Chevalier d’Obnedo, de Lope de Vega. Le langage de Camus, dont je ne puis mesurer la fidélité à l’original, est une joie… La phrase est ardente, portant panache au bonnet, et alerte et musicale. Pleine de sens, vous faire croire qu’il y en a beaucoup dans la pièce. Mais ce n’est pas vrai. Le seul charme du Chevalier d’Oh/1,10 est, pour moi, d’être du très jeune et naif théâtre ; de l’intrigue espagnole à l’état naissance, et nue comme un bébé dans sa baignoire. C’est l’histoire d’une jeune fille, Inès, entre le beau cavalier qu’elle aime, qui vient d’Olmedo à Medina pour la regarder et respirer sa voix, Alonso ; et le cavalier Rodrigo, que son père lui destine. Un papa gâteau ! Il suffirait qu’Inès dit s C’est Alonso que je veux 1 s, et la chose irait de soi. Mais la craintive et romanesque Inès gâte tout avec un ruban vert attaché à sa grille, qui est pris par Rodrigo, quand il était destiné à Alonso. Et puis, elle vient raconter qu’elle veut entrer aucouvent ; que Jésus sera son seul époux. Si bien que l’aventure traîne, et que le méchant Rodrigo a le temps d’organiser un guet-apens, près du pont, entre Medina et Olmedo; et, lâchement, par un arquebusier à sa solde, il fait abattre le bel Alonso… Alonso qui L’Opéra a eu sa belle soirée : les Dialogues des Carmélites, de Bernanos (quelques cou-pures religieusement opérées sur le texte original) avec la musique de Francis Poulenc. Expédions les éloges mérités par les décors, nobles et bien assortis aux es du sujet, et par l’interprétation, où brillaient Denise Duval, Denise Scharley, Régine Crispin, Rira Cors ; et parmi les hommes, moins nécessaires, Depras, Giraudeau, Rialland… Séduit par le souvenir des nonnes dont il a pu écouter, à travers les grilles, les Gloria Panel, les hymnes, et les voix d’argent, Francis Poulenc les a fait chanter, tinter comme à l’Élévation sonne la clochette de l’enfant de chosur, tout au haut de leur registre… C’est pur, c’est angélique, c’est inhumain, et les artistes ne sont pas toujours l’aise. Mais cela crée le climat de l’oeuvre ; l’atmosphère conventuelle ; et ces souffles qui passent sur les lèvres pour monter bien vite au ciel, chargés d’amour et de suppli-cations. Que Poulenc, qui fut longtemps l’Enfant Roi des Six, le page de Roméo, le chanteur de chansons amoureuses et ironiques du temps passé soit, dans ses logis secrets, un esprit religieux, nul n’en doute, qui a pu entendre les admirables s médaillons musicaux de son Stabat Mater à Strasbourg. Ce furent comme des grains de chapelet. Et la pièce de Bernanos a précisément cette qualité d’offrir une suite de scènes brèves, très différentes, où beaucoup de sentiments se voilent de peu de mots. Le talent de Poulenc ne va pas vers les longs dévelop-Il est intéressant de comparer ire deux réalisa/ions mimiques der r Dialogues des Carmélites ■■, /e, solides décors qu’exige l’Opéra et les légers arceaux dont le théâtre Hébertor a tiré un /i ,raud Pu, en y faisant jouer la lumière et /es ombres. l’a sauvé des cornes d’un corn I Alonso, le héros des fêtes de Medina, où il emportait tous les tournois… Toute la distribution est en larmes ; même le roi d’Espagne. Cette distribution comprenait, sous la direction de Jean Marchas, metteur en scène de grande classe, Michel hlerbault, séduisant cavalier, bien découpe en blanc sur les murailles grises, Jouis, Dominique Blanchir, toujours jolie ; mais surtout, dans le rôle d’une duègne proxénète, sorcière et prophétesse, Fabia, la merveilleuse Sylvie. Notre Sylvie que j’ai vue si souvent dans des rôles infiniment variés, et qui garde sa voix de cloche, son autorité, son articulation sans faiblesses, sa fougue. On l’acclamait. liements symphoniques ; il fait tomber, uni: à une, des gouttes d’élixir. Un vieux &bus-syste ne s’y trompe pas. Il y a, de Claude de France à Poulenc une filiation, mais peu visible, o audible, car les chants de Poulenc sont très loin des chants de Pelle,. A mon goût moins pénétrants, définitifs, irremplaçables… Assez capricieux mémo, et arbitraires. Mais ils ont un style ; et ils sont souvent expressifs. C’est le chant des nonnes, celui de la prieure mourante, les pieux caquets des novicos qui m’ont le plus charmé. Quant à l’écriture, dans son ensemble, elle est un peu facile, il en faut convenir… Cela vient au bout de la plume ; les coquetteries de l’harmonie sont des parures ; non le sang et le muscle de la musique. Poulenc a improvisé dans la ferveur dont la prose de Bernanos l’échauffait, et son improvisation est heureuse. C’est s du Poulenc s ; et l’accord de ce tendre, de cet Ariel avec le sombre, dogmatique et brûlant Bernanos est un paradoxe et un miracle. Je dirai peu de chose sur le Concours 1957 des Jeunes Compagnies. Mon avis est que ce concours dure trop. Tout ce qui avait de la valeur, on l’a écrémé. Les jeunes troupes dignes d’encouragement poursuivent à Paris ou en province leur destin ; nous les connais-sons ; nous nous intéressons à elles. Nous les s couvons s… Mais le reste, ce qui persiste s’exhiber, ne vaut rien. Pour ma part, totalement découragé, j’ai renoncé à mes fonctions de juré. J’ai déserté. Il faudrait suspendre les épreuves pendant cinq ans au moins, durant lesquels se formeraient peut-être des groupes qui mériteraient Je n’ai donc vu qu’une pièce. Les précédentes, de l’avis unanime, étaient intolérables. C’est le Précepteur de Lenz, adapte d’abord par Berthold Brecht—voilà le nom qui m’attirait — et traduit en français par MM. Selle et Jacob. Une comédie dramatique et bouffonne, écrite en plein s Sturm und Drang s et farcie d’idées vagues sur la métaphysique et la évolution. Elle est animée, sonore ; elle vit. On y voit un jeune précepteur fort houspillé pour avoir séduit la fille de la maison ; il est protégé, sauvé, par unvieux philosophe qui doit ressembler à Emmanuel Kant. Sans oublier la fameuse montre qui se dérégla en l’honneur du 54 juillet, à Paris, je crois. Ce n’est pas ennuyeux. L’interprétation était suffisante. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps ; et je ne vais pas, à propos du Précepteur, revenir de mon opinion sur les Jeunes Compagnies. ROBERT KEMP, de l’Académie française. La balance der l’Échange ■> réunit Renée Barell et Laurent Terqieff cour le beau marronnier du cloître .Saint-.Vérerin qui a bien abrité ce grand texte. 57