Yeeabei deYace PAR MICHEL CHAPUIS NICOLE n’est ni plus exubérante ni plus expansive qu’une autre. Son jeune coeur inexpérimenté déborde à mesure que son corps s’épanouit. Mais on ne peut se laisser aller complètement, au risque de paraître sotte ou hystérique. Ah ! si on pouvait crier son amour en courant comme des gamins… A cette idée, Nicole se décide. Elle saisit la main de Bernard qui rêvait couché sur la plage, le force à se lever et sous le prétexte d’aller se baigner ensemble l’entraîne en courant — Allons, viens, nous allons nous jeter dans les vagues. Bernard se laisse faire. Il en est toujours ainsi avec Nicole. Elle arrive la première, parle la première, rit la première. Elle est pour lui une source de joie. Comment s’y refuserait-il? Il rit à son tour, court comme si cinq minutes avant il n’avait pensé qu’à ça, oublie tout, jusqu’à l’importance de Nicole dans sa vie. Il vit heureux. Pauvre Nicole. Pour l’instant, elle n’oublie pas qu’elle s’est juré de lui crier son amour. La mer se rapproche à une allure vertigineuse. Le temps passe trop vite. Aussi pourquoi s’obstine-t-elle à le précipiter? Zut ! d’avoir pensé à cela la rapproche encore davantage. Elle ouvre la bouche. Elle est essoufflée. Voulant reprendre sa respiration, elle fait un faux mouvement. Son pied glisse dans le sable, Bernard ralentit, veut l’aider. Elle fait un geste du bras qu’il interprète mal. Le voilà dans la mer. Nicole a envie de pleurer. Toutefois, elle rejoint Bernard, lui sourit, nage rageusement. A la maison, elle imagine un autre stratagème : l’insi-nuation. Bernard lui a dit, tout en sifflant d’admiration alors qu’elle s’était rhabillée : — Mince, c’que t’es belle ! — Voudrais-tu insinuer que je te plais? Ainsi elle a trouvé une autre méthode. Hélas ! Bernard répond en riant (comme si c’était risible) : — Bien sûr. Nicole ne se décourage pas, ouvre la radio, cherche une chanson d’amour, se dispute avec ses cousins qui veulent du jazz, défend pour une fois Tins Rossi, puis, ayant