une « humiliation salutaire n. Touché par les extrêmes et témoignant de sa sincérité par ses contradictions, prompt à épouser son contraire, paralysé par les scrupules, partagé entre la défiance de soi et l’excessive compréhension d’autrui, déchiré entre la fidélité promise et sa fidélité intérieure, ne se plaisant que dans l’effort, exigeant de soi toujours davantage, plus enrichi par le désir que par la possession et préférant la reconnaissance aux regrets, cet homme est soucieux de tout légitimer par une éthique. Il ne prône pas moins que son ami Valéry les bienfaits de la contrainte « Le véritable classicisme est un romantisme dompté. » Dans l’art comme dans l’existence quotidienne, ce jouisseur est un ascète : « Tout ce qui est inutile est nuisible. » Il sait que chaque progrès s’achète « par l’abandon d’une complaisance », et le libérateur du désir n’a qu’un but : donner une forme à l’homme libéré. Pour cela, il s’applique à ce qui ne lui convient pas : « Sachez tenir pour préférable ce qui coûte le plus d’efforts. » Il déteste les convic-tions, qui sclérosent l’individu : « Seul m’importe ce qui peut m’amener à modifier ma façon de voir et d’agir. » Enfin, l’amour du vrai lui fait tout accepter avec sérénité : « Aimer la vérité, c’est ne consentir point à se laisser assombrir par elle. » S’il se plaignait certains jours de n’être plus dessiné que par ses ombres, le voilà délimité par la lumière. Ses travers, ses méandres, ses fuites et ses avatars nous proposent en définitive une image de perfection. Au moment d’atteindre Cuverville, j’ai besoin d’invoquer cette image, car le sentiment que j’éprouve tient encore de l’appréhension, comme si l’homme à la pèlerine, le vivant que je n’avais pas su admirer, pouvait m’arrêter en chemin et m’amoindrir le mort admirable. Sa maison apparaît au tournant de la route, si noblement posée sur l’herbe verte, si bien accordée aux arbres et au ciel par les ardoises du toit, le pur triangle du fronton, le crépi couleur de jonquille, les meneaux et les volets blancs. Le lecteur du « Journal » reconnaîtra aussitôt l’immense cèdre que les neiges d’hiver convertissaient en Himalaya. Et voici les petites allées qui font le tour de la pelouse, sinueuses comme les conseils de Gide. On prête l’oreille, persuadé que lui-même ouvrira son piano, pour travailler Granados ou pour revenir à Chopin. On cherche le botaniste d’arbre en arbre. S’il ne fait pas la chasse aux insectes sur ses rosiers, s’il n’observe pas la lutte d’un bourdon contre une fleur qui ne veut pas livrer son miel, il s’est peut-être « enfermé dans la serre avec les poésies de Gcethe, entouré de calcéolaires jaunes d’or… » N’entrons pas tout de suite. Gide n’a pas vécu seul ici. Nul ne peut plus ignorer que cette maison fut celle de Marceline, d’Ailssa et d’Emmanuèle, trois noms qui cachent la même héroïne. Malgré la mort, malgré les divulgations de toute sorte, le cœur répugne réveiller le coeur de Mu. André Gide. Quelle séduction était donc en elle pour avoir inspiré et maintenu, à travers tant de motifs de rupture, cette passion inaltérable ? Le lecteur superficiel ne retient d’elle qu’une image austère. Sans doute, elle fut l’abnégation, la charité, le silence et la tristesse plutôt que le blâme ; mais ceux qui l’ont connue et qui ont perçu ses angoisses ont découvert aussi son enjouement. Roger Martin du Gard l’a entendue rire, d’un rire presque enfantin « Une source qui fuse sous les feuilles mortes. » Pour André Gide, que l’attrait de la première jeunesse condamnait • A gauche un salon aux boiseries anciennes fut le premier cabinet de travail d’André Gide. Tout grand artiste, écrivait-il sur ce bureau, est d’abord un bon ouvrier.» Ci-dessous :la vue qu’i avait de sa ferlé., quand il s,stalla dans un pièce du premier étage. au-dessus des cuisines,e =111d..%eur CreeeLn’unte’.Ure mène à la charnore mansardee qui f la sienne.