%na 7 tlfl la rivière miraculeusement encombrée de saumons. Tout proches enfin d’ici, deux lieux extraordinaires vous appellent de grâce, ne quittez pas l’Irlande sans voir les îles d’Aran et le Connemara. Le bateau part trois fois par semaine, le matin à 9 heures. Embarquez-vous pour les îles qui surgissent au loin, très basses sur l’horizon. Inishmore, la plus grande, où l’on aborde vers midi, vous accueille silencieusement, et toutes les pierres de l’île vous apparaissent en un instant. C’est un plateau, dont les dalles affleurent, avec mille et mille petits champs enclos de murailles, où l’herbe pousse parfois et, plus rare-ment, l’avoine. Dans ce nctuaire marin, une population rompue à l’adversité mène une vie dure et souriante,sa face à la grande houle venue d’Amérique. Elle file encore sa laine et tisse ses propres vêtements. C’est là qu’on aime peut-être le plus l’antique Erin, entre k pierre, la mer et le ciel. Une côte marine toute dentelée borde le Connemara au nord, au sud et à l’ouest ; deux lacs le flanquent à l’est Lough Corrib et Lough Mask. Ce qu’il y a de beau en Irlande est résumé ici, et il s’y ajoute un effet d’envoûtement que les autres régions n’offrent pas au même degré. Partez donc, plus’ détaché encore de la terre, et prenez la route pour Oughterard, près du Lough Corrib, qui vous ouvre le chemin du Connemara. De là, vous vous dirigerez vers Maam Cross puis vers Clifden, ou bien vers le sud et sa côte découpée de mille manières par des anses encombrées d’îlots. Vous atteindrez les trois petits lacs de Kylemore, que surplombe une étonnante abbaye, dont l’hôtellerie reçoit les touristes. Site unique, suivi d’autres magies… Au loin, les montagnes, tantôt d’un bleu profond, tantôt d’un gris léger comme la fumée des feux de tourbe, le ciel pommelé, le ruban ardoisé de la route dans un paysage vert de mousse, les murs de pierres qui ressemblent à des barrières de corail, les vastes ondulations de tourbières et de bruyères piquetées de moutons blancs, quelques chau-mières abritées de peupliers frémissants, la fleur d’or des ajoncs d’où semble émaner la lumière, les maisons qui se terrent sous la dune, apeurées par le vent, un désert magnifique sous un vol noir de corbeaux et les brouillards qui s’effilochent comme une fuite de fantômes… Mais le Connemara ne se décrit pas ; on le vit et on le sent. C’est la région la plus poétique d’un pays fait pour la poésie. C’est toute la harpe irlandaise. L’ouest de l’Irlande, débordant autour du Connemara, est le commun domaine des deux frères Yeats — le peintre et le poète — et aussi le lieu choisi par Synge pour faire évoluer le Baladin du monde occidental ». Votre horaire vous laissera-t-il le temps de pousser jusqu’au Donegal? Ses glens, ses îles lointaines — Ultima Thule — ses tourbières, son tweed célèbre et son hôtel réputé de Rosapenna sont à l’extrême nord. S’il faut mettre cap au sud, revenez à Dublin par Lever Kenny ; vous passerez près d’un lieu de pèlerinage justement nommé Purgatoire de Saint-Patrick, car je n’en connais pas de plus ardu ; puis vous continuerez par Carrick-on-Shannon, Longford, les Midlands, ou plaines du Centre, le Shannon si calme, majestueux parfois, et de nouveaux lacs, des miroirs sans nombre… Pays de montagnes faibles, de temps doux et de travail aisé. Suivant toujours le fleuve nonchalant, vous parviendrez à Clonmacnois, la ville des croix, centre géographique — ou à peu près — de ce pays religieux entre tous, où les plus beaux monuments sont souvent près des cimetières. Huit églises, en ruine depuis Elizabeth et Cromwell, deux round towers, trois grandes croix celtiques sculptées, plus de deux cents pierres tombales monumen-tales, les restes d’un château, tout un passé de ferveur vous prend l’âme. Et c’est peut-être cette dernière image qu’il faut emporter de l’immuable Irlande. Jziux-A. BLANC…