ÉDITORIAL RÉPONSE A UNE BOUTADE IL‘215: tut humour que j’ai savouré, vous avez bien voulu m’écrire, Madame, après lecture de nies derniers éditoriaux : a Que n’êtes-vous notre Président du Conseil, la France se porterait mieux ! Permettez-moi de relever votre trait et ale poursuivre un instant la plaisante hypothèse dont je ne sais si, pour c’est au rêve ou au cauchemar qu’elle ressortit. Si oe. imprudemment, j’endossais sur mon humble ccitasic de citoyen-contribuable la prestigieuse pano-plie dent votre indulgence ou votre ironie rua paré, i. Madame, ce que je ferais. .1t: créerais un corps d’ e inspecteurs des détails s, qui, dans toutes les villes et toutes les campagnes, du matin au soir et du soir au matin, n’auraient d’autre mission que d’ouvrir 15eil et de prêter l’oreille à tout ce qui ne va pas, et qui auraient pouvoir d’intervenir sur-le-champ. Car dans une nation, comme dans la vie, il n’y a pas de détails au sens d’insignifiance que l’on donne à ce terme. En amour, Madame, vous le savez, c’est souvent d’un mot ou d’un geste, ou de l’absence de ce mot ou de ce geste, que dépendent des avenirs de bonheur ou de malheur. Mes inspecteurs seraient de simples hommes ou de simples femmes de bon sens et de goût qui auraient prêté serinent de ne subir jamais aucune influence politique ou doctrinale, conformiste ou outrancière. Des exemples de leur activité En voici : ils exigeraient que nos billets de banque, de 10.000 ou de 1.000 francs eussent toujours le même format afin d’être aisément les uns des autres distingués ; que pour les timbres-poste de même prix, on adoptât continuement la mêmecouleur, et que certains de ces timbres, vraiment horribles. fussent proscrits ; que l’on ne se hâtât- pas de débaptiser les rues de Paris dont les pancartes font partie de notre patrimoine, poury substituer des malts nouveaux, illustres ou inconnus. Mes inspecteurs, mes inspectrices en civil, bien entendu — traqueraient ce qui déshonore nos avenues ou nos paysages tenez, ils feraient aménager enfin cette place de Saint-Cloud, qui offre en 1957, aux visiteurs étrangers descendant de l’autoroute. le désolant spectacle d’une ville sinistrée. Ils dresseraient tenez-vous bien — des contraventions aux conducteurs d’automobiles pour offense à la courtoisie, ce qui est, à mon sens, beaucoup ‘dus affligeant qu’un stationnement de deux minutes du mauvais côté devant une pharmacie. lt:n formant mon cabinet — vous voyez, Madame, que je joue à votre jeu — je déciderais une fois pour toutes du nombre et des attributions de chacun des ministres (comme le patron d’une entreprise sérieuse le fait ave ses chefs de services). Et puis, estimant que l’intelli-c gence vaut bien l’hygiène, que les citoyens n’ont pas seulement un corps qu’il faut protéger des maladies, niais aussi un esprit qu’il importe de sauvegarder des virus et des contaminations, j’instituerais un ministère de la Pensée publique entrerait en lutte contre cer-tains taudis de la misère mentale et îlots insalubres pour la dignité du pays, fussent-ils habités par des milliardaires ou par des potentats. Car si l’on s’efforce jusqu’à présent de prévenir certaines épidémies, on ne fait rien pour en enrayer d’autres qui contaminent les nerfs et les cerveaux ; car il est plus grave d’abêtir un million de Français que de voler 100 francs à un individu ; car la pornographie des images libertines est moins cho-quante que les photographies de pendaison qui ne respectent ni le public qui les voit, ni l’homme qui va mourir. Mon ministère de la Pensée publique inviterait tous les employés de nos administrations à se départir pour toujours d’un air soupçonneux et d’un ton rogue, pour devenir aimables envers ceux qui les font vivre. Il orga-niserait des cours du soir de civisme et de gentillesse. Fous voyez, Madame, que si votre flatteuse boutade devenait — à Dieu ne plaise ! — une réalité, le code Napoléon et le code de la route s’enrichiraient de délits nouveaux : la hargne et la sottise, la muflerie et la vul-garité. Je compte que, devant cette menace, on se gardera d’insister. OLIVIEB Quitus.