sans renier la tradition de ses aînés. Il a lu Feydeau et Anouilh ses Hommes dis dimanche y trouvent leur profit. Maria, solidement populaire et femme de tête, retient difficile-ment sous son toit un mari et deux fils que tente l’aventure ; elle sera aidée par la douce Cécilia et la croustillante Suzie, malgré le tonitruant Charlie, directeur de cirque. L’argument est simple ; J.-L. Roncoroni en tire avec méthode les ficelles au premier acte ; il fait surgir des sentences d’un solide bon sens et des rêves déjà tirés à de multiples exemAlaires. Seulement la passion de Lila Kedrova, la finesse de Douking, la trucu-lence de Dora Doll et l’habileté de l’auteur donnent à cet ensemble une saveur origi-nale et une vigueur qui enchantent. Les choses vont un peu moins bien au second acte, tournent en rond au troisième, mais qu’importe ! Çà et là émergent des z mor-ceaux » pétris de la plus pure substance dramatique. Ce premier balbutiement théâ-tral de J.-L. Roncoroni nous fait attendre avec impatience le second. Je voudrais signaler l’effort que la Compa-gnie Bernard Jenny poursuit au théâtre de Lutèce avec deux pièces de Lorca Per-limplin et /a Savaière prodgieure. Poésie, comédie, finesse, nuances infinies. Que voilà donc de l’excellent théâtre, amoureusement interprété par Anne Caprile, Robert Bazile et le délicieux petit Dominique I Le théatre de l’Œuvre, pour terminer la saison, affiche une reprise de la pièce d’Emmanuel Roblès Montserrat. Ce drame de l’intolérance, qui se joue en Amérique du Sud au temps de la conquête espagnole, a une profondeur qui dépasse de beaucoup l’anecdote. Roblès pose avec véhémence ce problème éternel le crime justifie-t-il le crime ? Montserrat, pour paralyser les exac-tions des officiers ibériques, a-t-il moralement le droit de laisser fusiller six innocents ? Mais cet assassinat dont il se rend complice en refusant de dévoiler la cachette de Bolivar ne sauvera-t-il pas de la mort des millions d’ncas ? Il y a là un thème psychologique dont le développement doit transparaître à travers l’action réaliste de l’ouvrage. En l’occurrence, Montserrat manque un peu de rayonnement ; son silence devrait être moins passif et sa torture intérieure, plus évidente. Surtout qu’en face de lui R. Bauronne est un Isquierdo envoûtant à force de cruauté et de rancune sous-jacente. Un remarquable comédien. C’est un peu le modèle réduit du Théâtre de Pékin venu voilà deux ans au Théâtre des Nations que présente aujourd’hui le Theatre Marigny avec les marionnettes de cette capitale de l’Extrême-Orient. On y revoit, exécuté par les petites poupées aux costumes multicolores et aux tètes surmontées de longues antennes frémissantes, ces combats acrobatique comme des mouve-ments d’horlogerie, que les virtuoses en chair et en os livraient sur la scène de Sarah-Bernhardt. On perd malheureusement une partie des détails de ce spectacle, qui méri-terait d’être observé au microscope ; et il faut s’armer de jumelles de marine pour scruter tous les gestes, toutes les attitudes de ces minuscules personnages de chiffon qui ont une saisissante humanité. Mais les marionnettes ne sont pas seules sur le plateau de Marigny. Les subtils fils du ciel ont éga-lement exporté en France leur Thedtre d’ombres, à seule fin peut-être de prouver que le cinéma a fait son apparition dans leur pays il y a deux mille ans. Par leurs couleurs, leur mobilité, leur finesse, ces ombres ont la vie des héros de Walt Disney. Les aventures de la cigogne et de la tortue composent un authentique chef-d’œuvre d’humour, et la performance sous-marine d’un prince de légende évoluant entre deux eaux au milieu des poissons et des dragons offre des images délicates, lumineuses, merveilleusement évo-catrices. Par intérim CLAUDE FAIGNÈRES. CINÉMA PAR MARCEL LASSEAUX LES SORCIÈRES DE SALEM (A). Drame français, d’après la pièce d’Arthur Miller (‘). — CADRE – Massachusetts supposé,en 169z. âme – Hystérie collective d’un groupe de jeunes filles, conduites par une simulatrice, en vue d’éliminer tortueusement une rivale mais dont les manœuvresse traduisent par l’exécution d’innocents faussement convaincus de sorcellerie. FÉ.1sATION – Rouleau travail infiniment soigné, lent, minutieux, assez froid. INTERMÉTATION -Simone Signoret puritaine rigide, glaciale mais feu couvant sous la cendre et d’une remarquable facture ; Montand étrange-ment inexpressif à force de sobriété, très loin de sa puissante création du Salaire de la peur; Mylène Demongeot t présence capi-teusement féline, sensuelle, perverse ; Rou-leau, Debucourt aussi exécrables l’un que l’autre… NOTE – Film vous faisant froid dans le dos à penser que de pareilles folies collec-tives, reposant sur d’aussi faibles bases, ont Pu, peuvent encore et pourront toujours acculer des hommes et des femmes au déses-poir, à la torture, à la mort !… Cela dit, on travail fort élégant, admirablement étudié mais fleurant parfois encore un peu SOn théere natal dans certaines scènes, il me omble. Bien difficile à éviter, d’ailleurs, quand le metteur en scène pour l’écran a été précédemment celui de la scène I Comment Elles étaient /rois petites sorcières (de Salem) fini s’en allaient jusqu’au bois danser… (Ronde enfantine n’es probablement adaptée.) n’apporterait-il pas avec lui, même incons-ciemment, une pensée déjà cristallisée dans un moule fort difficile à casser réellement ; une optique polarisée ; des trucs et procédés ayant fait leurs preuves sur les planches mais moins indiqués pour la camera? Rythme lent, intérêt inégal, avec de brusques fusées de passion très saisissantes. Oh ! le pathétique de la puritaine Signoret à la barre du tribunal, écartelée entre son devoir d’épouse qui la pousse à essayer d’innocenter son mari au prix d’un mensonge et sa foi rigide qui lui Interdit ce dernier ! Des moments de cette densité rachètent bien des temps morts, bien des erreurs. Parmi celles-ci, œ place les navrantes (selon moi !) compositions de MM. Rouleau e Debucourt, déjà classés plus haut ex mono. Tous deux crient, grincent, tonnent, chuintent, gargouillent, grimacent, roulent de la pmnelle à qui mieux mieux, de façon à mettre à eux deux le film par terre s’il n’y avait pas d’autre part des valeurs sûres pour le renflouer ! En tout état de cause, on leur doit le plus clair du fumet de mélodrame qui parfois vous monte aux narines. « Las ! onc ne vis-je si méchants et si calamiteux serviteurs de Melpomène ! » serais-je tenté de m’écrier pour conclure, en toute simplicité et le rouge au talon… Images d’une grande beauté de Claude Renoir.