RYTHMES DU MOIS Ernst Otto Fubamann est dans la Vie de Galilée un pape Urbain IV qui sait ménager les intérêts de l’Eglise et de la .Sbienre. L’ÉTOILE de Bertolt Brecht a brillé sur . le premier mois d’existence du Théâtre des Nations. Le Schauspielhaus de Bochum et le Berliner Ensemble ont présenté trois ouvrages de l’illustre dramaturge, trois pièces qui, pour des raisons contradictoires, resteront gravées dans les mémoires. Brecht s’est insurgé contre toutes les dicta-tures ; il a stigmatisé toutes les inquisitions, démantelé toutes les forteresses de la tyrannie, dont la lâcheté et l’obscurantisme ne sont pas les moindres avatars. Il a conçu des tragédies plus saisissantes que la Vie de Galilée, mais non de plus significatives ; car il n’a pas Muni ici des êtres croupissant dans leur misère, le cerveau abêti par la guerre, la souffrance ou l’alcool ; il oppose des intelligences lucides, exceptionnelles, que contamine pourtant le virus de l’intolérance ou de la peur. Et, pour Brecht, le tyran est oeuLêtre moins coupable que la victime Consentante. Galilée poursuivra ses travaux parce qu’il aura renié sa foi scientifique, comme l’exigeait le Grand Inquisiteur au note d’une Église dont il n’incarnait pas l’infaillibilité. Le génie du héros ne peut servir d’excuse à sa faiblesse de caractère ; il l’incite à commettre toutes les bassesses susceptibles de lui assurer la tranquillité nécessaire à ses méditations. Ernst Busch a merveilleusement évoqué cette force de la nature solidement enracinée dans les réalités terrestres ; il la fait vivre, il en montre le pourrissement progressif — le sourire vain-68 queur devient obséquieux, Pccil e fait de plus en plus fuyant, et la silhouette entière s’amollit — il lui accorde un ultime regain de colère dans un large crescendo dramatique miraculeusement dosé. La mise en scène d’Erich Engel prend soin de ne jamais couper les ponts avec la vie quotidien.. Tout est plausible, logique ; nous avons affaire à des êtres humains ligotés par leur bassesse, étouffés par leur propre génie. Avec Mère Courage, le décor change e plus de palais princiers, de laboratoires, mais les routes sinistres de la guerre ; plus de savants ou de hauts dignitaires, mais des soudards. Tirant sa carriole à travers les champs de bataille, Mère Courage hale pourtant toute la tendresse et la volonté d’un monde que la haine ne saurait submerger. Toute la pièce est uns sorte de plaie suppurante où grouillent la vermine, les miasmes de la stupidité et de la misère. Mais ici, plus eue dans Galilée, il y a l’espoir Mère Courage jamais ne laissera contaminer son cœur. Superbe dans ses haillons, elle repartira, seule s’il le faut, à travers le brouillard, la neige boueuse ou la poussière. Hélène Weigel est bouleversante de lyrisme, de joie, même. Visage buriné, yeux de Ranime, rictus de douleur qu’elle transforme en sourire t elle rayonne une puissance dramatique absolument irrésis-tible. A signaler également Angelika Humiez, qui joue le rôle difficile de la fille muette de l’héroïne et qui est le véritable miroir de toute l’action. Nul symbolisme dans la pré-sentation de ce spectacle, mais au contraire une volonté de ne négliger aucun détail susceptible d’en accroître le réalisme. Le théâtre de Bochum a pris un tout autre parti en montant l’Opéra de quat’sou s ; les personnages deviennent des automates dis-Lila Kedrona et Douking ont magistralement serti, à la Mithodière, les débuts de J. I.. Rosh toroni, auteur des Hommes du dimanche. Pholog phies L’air impitoyable de Hans Messmer contrant ace la désinvolture de l’uniforme gangster dont si affuble Markie dans l’Opéra de quat’sous. posant d’un nombre de gestes limités, sans âme et sans passion. Il semble qu’on les observe à travers une vitre ; cette extrême sophistication empêche les comédiens de jeter sur le plateau tout le poids de leur talent. H. Alessœner adopte un ton systéma-tiquement brutal et criard, que démentent d’ailleurs des attitudes empruntées à le char- mante désinvolture d’un Fred Astaire. Il y a un cas Hans Messemer. Qui ne l’a vu dans le Diable et le bon Dieu, de Jean-Paul Sartre, ou le Marquis von Keith ne saurait soupçonner la prodigieuse variété de son style. Il glisse de la superbe à la veulerie sans la moindre faille dans sa sincérité ; il n’est sans doute pas séduisant — car il ne veut pas l’être — mais é est continuellement fascinant ; à l’exception de Pierre Fresnay, je ne connais pas d’acteur qui entre aussi totalement dans le jeu ; le n’oindre froncement de sourcil prend une signification profonde, et sa seule façon de marcher en scène laisse deviner les pensées qui l’habitent, la cruauté, la turpi-tude, le remords qui k hantent. Hans Messemer est entouré notamment de Sigrid Schleier, qui possède un vigoureux tempérament dramatique, et de Rosa Shaer, aussi inquiétante que capiteuse. Un nouvel auteur dramatique vient de naître à la Michodiere. Il a déjà rejoint les rangs d’une cohorte bien clairsemée et dont les adres ont sérieusement besoin d’eue rajeunis, Jean-Louis Roncoroni entre dans la carrière