o UNIT] DE LA SCULP par CLAUDE ROGER-MARX. MIEUX encore que la peinture, la sculpture permet de vérifier les affinités qu’offrent entre elles des oeuvres séparées par des siècles et nées sous les ciels les plus différents. C’est que les impératifs des matières dures ne laissent pas les mains humaines s’égarer à la recherche du paradoxal et de l’impossible. Belles pour des raisons identiques, dépouillées de la vanité qui s’attache aux oeuvres peintes, les oeuvres sculptées, comme les formes dont elles perpétuent l’apparence, semblent retomber dans un anonymat qui les grandit encore. Il est incontestable que le goût subit d’inces-santes fluctuations et que chaque époque, réagis. sant contre la précédente, tient à affirmer ses prédilections. Au cours du luxe siècle, sous la tutelle de l’Institut et du dogme du u Beau idéal r, la bourgeoisie française, éprise d’antique, n’aima guère qu’une Grèce dénaturée par Rome. Praxitèle lui parut plus grand que Phidias. Du gothique, elle préféra les flamboyantes. Si le siècle de Houdon, après une éclipse, fit fureur, ce qu’on prisait chez nos bustiers, ce n’est pas leur magni-fique intransigeance en face du modèle, mais la dentelle ou le ruban ouvragés, les détails d’une perruque, ce qui a coûté a beaucoup de travail s. On est pour le n fini s, non pour l’infini. On pardonne à Barye son génie parce qu’il est doublé d’un orfèvre. Longtemps Carrier-Belleuse, Frémiet, Barrias ont éclipsé Carpeaux ou Rodin. Un romantisme de bazar, la pire sentimentalité remplissent nos places publiques d’une agitation de grand opéra, de galanteries d’opérettes. Paria est surchargé de bibelots sans grandeur, auxquels on a donné des proportions monumentales. Tant de défis à l’art et au bon sens, renouvelés gauche : deux œuvres de 1.-A. Houdon. Au premier buste en piètre représentant Franklin. Au fond, célèbre te de Mtu Olivier, pensionnaire de la Comédie-Française. Phot. Jahan. UJRE annuellement sous l’immense verrière du Grand Palais (déshonoré lui-même par son architecture et son ornementation), devaient provoquer une réaction violente. L’équipe homogène formée dans les ateliers de Rodin restaure la notion de plan, demande aux Égyptiens, aux Grecs du v0 siècle, aux Romans, aux Khmers des exemples de force et de sincérité. On revient à la pureté du sentiment et à la loyauté des moyens. On se délivre de l’accidentel; des incidents de surface, de l’éloquence et de la sensualité, mauvaises conseillères, des excès du pittoresque descriptif ou analytique pour redonner aux formes leur plénitude, leur densité et leur permanence. Telle est aujourd’hui la tâche des Gimond, des Auri-ceste, des Martin, des Yencesse, fidèles aux leçons données par Maillol et par Despiau. Mais on sait que toute réaction engendre à son tour des conventions nouvelles. Souvenons-nous de la légèreté avec laquelle, récemment encore, on brandissait r Bourdelle le Constructeur r pour démolir Rodin. Un nouveau formalisme, plus intelligent, certes, que l’autre — formalisme cependant — tend à figer dans le statique toute vie et à confondre avec le style des abréviations sommaires. L’Exposition de 1937 a favorisé l’éclo-sion d’innombrables dérivés de Maillol ou de Bourdelle. Et ce faux archaisme n’est pas moins inquiétant que les facilités auxquelles, sous prétexte d’abstraction, se livrent aujourd’hui les jeunes démarqueurs de Brancusi, de Laurens ou d’Archipenko. Fermons l’oeil et l’oreille aux modes et aux mots d’ordre, d’où qu’ils viennent. Le vrai connaisseur se garde aussi bien d’opposer comme des frères ennemis Renoir à Uccello, que Clodion aux Romans ou aux Summériens. Il unit dans 39