LE THÉATRE par JEAN Hedm L’ABONDANCE des nouveaux spectacles présentés der-nièrement nous oblige adopter ce mois-ci pour la critique dramatique une formule lapidaire. Sintrirrment, de Michel Duran (Capucines) ; char-mant. L’auteur fait preuve de beaucoup d’habileté pour s’y retrouver lui-même au cours de cette comédie sur le mensonge une jeune fille a failli jadis se noyer en mer et a été sauvée par un homme ; du moins c’est ce que son imagination romanesque a inventé. Bon exemple de comédie drôle, avec, en plus, une idée la vérité est impossible. Mme Alice Cocéa est séduisante et moins monocorde que d’habitude. Excellents comédiens mais auxquels s’appliquerait certaine cri-tique formulée dans le premier article de ce numéro. Jeanne la Folle, de F. Aman-Jean (salle Luxem-bourg) mauvais. Ce n’est qu’au troisième acte que cette histoire abracadabrante pourrait devenir du théâtre avec l’apparition saugrenue mais assez comique de Don Quichotte, intelligemment composé par M. Jean Meyer. La platitude à prétention lyrique de cette couvre rend mal à l’aise tous les comédiens, à l’excep-tion de Mme Marie Bell, très sue d’elle, mais qui russi! obis souvent à faire rire qu’à émouvoir. Bons dééow, de Wakhevitch. Nuit des hommes, de J.-Bernard Luc (Atelier) inté,,,auf. Trop longue pour une pièce à deux person-nage,. M. Nlichel Vitold (le mari), dont le jeu—quand il ne ■ ie pas — est admirable, excelle à exprimer l’amour absolu, exempt d’amour-propre. M, J. Dumesnil est peu qualifié pour personnifier l’amant. Le coup de pistolet final est une erreur. L’auteur a donné comme cadre de ce conflit la Libération de Paris, afin de mieux prouver que l’amour ne se soucie pas des événements extérieurs. Mise en scène très soignée d’André Barsacq. En lever de rideau La Perle de la Canebière, (Atelier) de Labiche et Marc Michel lourd. Ce qui amusait nos pères ne nous amuse plus. Quoi qu’on dise, le comique a évolué. La Demoiselle de petite vertu, de Marcel Achard (Comédie des Champs-Elysées) spirituel. Critique des critiques je ne comprends pas la sévérité de certains confrères ! Dans un décor très agréable de Grau Sala (Louisiane XIXe), dans une atmosphère créée par des chants nègres, l’auteur note très finement les scrupules d’une courtisane déclarant au frère de son amant — qui s’est tué pour elle — qu’elle ne peut pas être sa femme et ne veut pas être sa maîtresse. Mue Françoise Christophe, jolie et distinguée, réussit à donner à ses attitudes et à sa voix un zeste de trivialité parfaite-ment dosé. Cette comédie, que ranime chaque fois à propos une sentence spirituelle, est parfaitement interprétée. Alue Arlette Thomas traduit habilement l’évolution amoureuse d’une jeune adepte du Sacré-Coeur. Héloïse et Abélard, de Roger Vailland (Mathurins) scabreux. Sur le thème de la virilité (et de sa privation) et d’après l’histoire du philosophe moyenâgeux, l’au-teur a écrit une amusante satire de la continence et du refoulement où percent des théories politiques le couplet contre les cathédrales est révoltant. Même s’il ne les pense pas, il est des choses qu’un Français ne peut pas dire ou faire dire sans se salir. Mme Jany Holt, mutine, espiègle, est toujours la même. M. Jean Servais a de la distinction et de l’autorité. Mais c’est M. Jean Marchat qui tient la pièce. Les Justes, d’Albert Camus (Hébertot) noir. Pour-quoi cette pièce, intéressante, bien écrite et bien jouée, qui pose le problème de la haine dans l’assassinat politique, ne nous émeut-elle pas davantage ? C’est peut-être parce que le scrupule de tuer deux enfants — qui a fait hésiter un terroriste en 1905 — a été depuis largement dépassé. C’est aussi parce que le sujet, qui eût donné nu bon livre, ne fournit pas à une pièce un ressort dramatique suffisant. Les décors de M. Rosnay sont justes. Elisabeth d’Angleterre, de F. Bruckner (Marigny) spectaculaire. L’intérêt principal réside dans l’opposi-tion des deux royaumes rivaux l’Angleterre et l’Espagne — dont chacun se bat au nom du Christ ainsi tiraillé. Dans un rôle lieu fait pour elle, Mme Made-leine Renaud réalise courageusement une composition dramatique. La mise en scène habile ne réussit pas à suppléer aux faiblesses de l’ouvre et aux fréquentes platitudes du dialogue. Beaux décors et somptueux costumes île L. Coutaud. Le Bossu, d’A. Bourgeois et Paul Féval (Marigny) délassant. Ayant pris le parti de é charger n (juste un peu) en jouant ce mélo populaire, les comédiens s’amusent visiblement et amusent la salle. Mais qu’en penseraient les auteurs, qui avaient voulu émouvoir ? Il est vrai que la magnifique mise en scène et les décors de F. Labisse leur font beaucoup d’honneur. L’Homme de joie, de Paul Géraldy et R. Spitzer (Michodière) «musant. Une bonne pièce bien cons-truite, très bien interprétée et nullement démodée. Chéri, de Colette (Madeleine) décevant. Une pièce qui n’apporte rien au rayonnement du grand écrivain et qu’affaiblissent encore deux erreurs de distribution. J. FI. LAISIR DE FRANCE 13