saire. Les seuls chevaliers parmi les pilotes sont ceux qui peuvent mener un combat singulier ; en général, donc, ils sont chasseurs. Che. les chasseurs, le rapprochement est hallucinant. On aide le pilote à revêtir son équipement de bataille. A présent on lui fait enfiler une combinaison qui va comprimer son ventre et ses artères pendant les varia-tions d’accélération ; on charge ses épaules du harnais du parachute ; on l’installe à son poste, où on l’attache. Puis on verrouille sur sa tête le toit de l’habitacle, comme la visière d’un casque. C’est ainsi qu’autrefois, j’imagine, on hissait le chevalier en selle, après l’avoir bouclé dans son armure. Immobile, il n’est rien qu’une lourde masse de métal prête à s’embourber ; mais il s’ébranle et, peu à peu, la vitesse le place dans son élément. Ses canons prêts à claquer à ses flancs, le voici qui s’élance en poussant un long hennissement d’impatience, et jaillit de terre comme un javelot qui n’atteindra son but qu’au bout d’une longue mathé-matique céleste. Son royaume n’est pas de ce monde. Lorsque je pense aux derniers chevaliers qui nous restent, beaucoup de noms me viennent à l’esprit. Je vois aussi quelques hommes qui, en ce moment, montent la garde aux frontières de l’Europe ou sur la rive des déserts. Mais je m’arrête à deux prédestinés de grande race que la mort serre dans ses bras depuis la dernière guerre. Du premier, Richard Hillary, l’auteur de in Der. nière Victoire, je ne suis pas sûr qu’il soit un chevalier, comme je ne suis pas sûr que T. E. Lawrence en soit un. 34 Phot. R. Es Un chevalier encore anonyme. Marin La .11eclée. na1. Cet étudiant désabusé d’Oxford, entré dans la R. A. F. et dans la guerre par sport, me déconcerte parce qu’il n’a pas la foi. Pourtant, il appartenait à cette poignée de garçons (et Dieu sait s’ils auraient ri à la pensée qu’ils étaient des héros) qui se jetèrent au-devant des escadres ennemies pendant la bataille de Grande-Bretagne. Comme les personnages de sous les murs de Troie, ils défiaient leurs adversaires avant le combat, à leur radio de bord, avant de se ruer furieu-sement sur eux et, lorsque les chargeurs de leurs armes étaient vides, ils passaient parmi eux, à contre-courant, en les saluant ironiquement de la main. Je crois que l’aveu même de T. E. Lawrence peut être attri-bué à Richard Hillary s La guerre avait cela de bon qu’elle tendait au-dessus de nos secrets abîmes le brûlant et superficiel désir de faire ou de gagner quelque chose. o Il s’agit là des guerres qu’ils ont connues tous deux. Hillary fut descendu en 1940, et tué au cours d’un accident aérien en 1943, après deux ans d’hôpital. Mais le chevalier a-t-il même besoin de foi ? Après tout, je ne pense pas. Est-ce la foi qui compte, ou l’acte de foi sans la foi ? Je suis sûr que s’il avait vécu Richard Hillary eût été de ceux qui poursuivaient les bombes volantes pour les abattre et qui sautaient en même temps qu’elles lorsqu’ils les tiraient de trop près.