luttent à main plate avec elle, comme dans l’étonnante bagarre où Jacob reçut un mauvais coup d’aile, ce qui ne surprend personne, puisqu’une aile de cygne peut casser une jambe ou un bras. Ces jeunes hommes ou jeunes filles sportives, doivent, si je ne me trompe, avoir la taille de quelque voilier et l’irruption de l’un deux par une fenêtre avait de quoi surprendre la Vierge. Il est vrai qu’une fois posés, ils rapetissent et saluent fort honnêtement et gracieusement, les pieds environnés d’une sorte d’écume. C’est du moins ce que prouvent les toiles de la Renaissance italienne, dont les peintres nous les montrent avec une telle exactitude qu’ils doivent en avoir vus. L’ange est un mélange. Un mélange de Ganymède et de l’aigle. S’il n’était pas un soldat des cohortes de Dieu, on risquerait de k prendre pour le fruit incompréhensible des amours de Jupiter et de son page. Les anges de Gustave Doré sont si robustes que les anges de Michel-Angé, véritables Hercules, font petite figure à côté d’eux. A travers les sombres gorges des voyages de Dante, ils s’étreignent et se bousculent, pareils à des quartiers de roche ayant forme de lutteurs. Il était normal qu’ils séduisissent les poètes et, dans la réponse à ma lettre, Maritain déclare que j’en faisais une effrayante consommation. Il est vrai que leur personne s’adapte à merveille au chien et loup dans lequel je vis. On ne saurait mieux définir l’acharnement avec quoi je m’accroche par le détail à une terre qui ne m’inspire aucune confiance. J’y marche un pied sur le sol, un pied dans le vide. Et cette boiterie me confirme dans la certitude que les anges boitent, c’est-à-dire boitillent ou, si vous préférez, marchent avec maladresse aussitôt qu’ils ne volent plus. Cette boiterie, ou boitaillerie, ou maladresse, symbolise fort bien la maladresse, ou boitaillerie, ou boiterie dont les vrais poèmes brisent exprès leur rythme. Maladresse feinte, boiterie savante, signe des grands poètes et sans lesquelles il n’existe que platitude. Hélas ! dans la Genèse; l’historiographie de la chute des anges a été détruite. Nous ne savons qu’une chose, c’est que le mot « ange » et le mot « angle » sont pareils en hébreu et que la chute des anges est synonyme de la chute des angles, c’est-à-dire que leur chute substitue au cercle diamanté un cercle mort. Nous savons aussi qu’ils ont couché avec les filles des hommes et qu’il en résulta des géants. Mais tout cela reste vague ainsi que leur rôle à Sodome où l’on devine qu’ils eurent à se défendre et durent plaire beaucoup. Peu importe s’ils existent. S’ils sont de création divine ou humaine. L’homme en a créés qui n’offrent sans doute pas la moindre ressemblance 12