pat JEAN COCTEAU. L’ANGE est une parfaite réussite des monstres de l’esprit humain. Notre ténèbre est pleine de monstres comme la mer, de monstres ambigus et sournois. Mais l’ange, bien que nous en abritions tous un, que nous gardons, surveillons et tâchons de choquer le moins possible (ce qui me semble être la véritable formule de l’ange gardien) l’ange, dis-je, représente une sorte de trait d’union fulgurant entre le visible et l’invisible, une manière de ne pas admettre la rupture totale avec les énigmes, un terrible animal domestique du monde surnaturel. Il est difficile de s’entendre sur le sexe exact de cette séduisante créature. Les peintres et les poètes la matérialisent volontiers sous la forme de jeunes gens athlétiques, dont les omoplates donnent naissance à des ailes d’aigle blanc, et capables de labourer et bousculer l’espace, d’y planer en silence et de fondre sur leur proie comme la foudre. Ils sont cruels et tendres. Leur proie est habituellement une âine, qu’ils ravagent et laissent sens dessus dessous. Il arrive que leur proie soit en chair et en os et qu’ils ti