bot. G. Dreux. arrive, le couteau ou l’épieu en main, en face de ces bois de cerf qui vous déchireraient comme une baudruche ou de ces défenses sanglières qui sauraient vous fendre du pubis au menton. Et me voici tout de suite qui arrive avec mes gros sabots, sans me cacher : je veux encore une fois proclamer mon amour et mon respect pour le courre, et non point par attachement au passé mais par conviction profonde de la qualité éter-nelle de ce sport, de ce sport qui s’étend de plus en plus et qui doit compter parmi les exercices les meilleurs et les plus profitables à la formation. La chasse à courre demeure la plus sûre école de l’homme valeureux, ou, dans un sens plus moderne, de l’homme valable. Traditionnellement, et j’irai vite, il est certain que les chasses furent toujours les grandes manoeuvres de la guerre. Déceler la proie, la mettre en état d’infériorité malgré ses ruses propres, la dompter et la vaincre, cela demande une activité de corps et d’esprit qui forme les grands combattants. Que la guerre soit un horrible fléau, certes, mais puisque nous n’avons pas trouvé le moyen de l’éviter, acceptons-la et ne fabriquons pas uniquement des plumitifs… D’ailleurs, ces qualités acquises dans la chasse pourront servir dans la paix. C’est la force et l’aventure qui s’affirment. Et c’est aussi la décision foudroyante, le débrouillage de ce flot de sensations reçu par l’oeil et l’oreille, où il faut choisir la seule utile. La cruauté ? A rayer, et à laisser aux vieilles demoiselles britanniques qui ne craignent pas, en fait, de s’envoyer des côtelettes d’agneau. J’aime mieux qu’on tue des animaux que tuer des hommes, et je crois que le courre libère en nous des instincts dont le refoulement pourrait finir par créer des monstres. Nous sommes car-nassiers, et qui veut faire l’ange fait la bête. Ce que nous gagnons à la course, au grand air, à la mise en action de toutes nos facultés de percep-tion et d’énergie compense l’acte sanglant. Cet acte, nous l’entourons au surplus de tant de rites, de tels respects et d’une telle sorte de loyalisme envers l’animal que nous nous séparons à toute distance des abattoirs. Croyez-moi, un bon maître d’équipage est un fameux homme, et tout son monde en prin-cipe. Approchez ces piqueurs qui servent de père en fils, et vous en goûterez la qualité. Causez avec Jolibois, et vous en reviendrez instruits — et gagnés. En fait le consentement unanime est inter-venu. Il ne faut plus ignorer la reprise sans exemple de la chasse à courre, son extension, sa vulgarisation, dirai-je, en me réjouissant pour une fois de ce que ce mot représente. Les grands équipages de haute vénerie souffraient. Il en naquit d’autres, d’abord timides, et qui augmen-tent chaque jour. Qui les avait reconstitués ? Non pas les grands châteaux, hélas ! abattus, mais les simples manoirs ou fermes arrangées. Une secte nouvelle se forme qui redécouvre la chasse, qui a commencé avec trois couriauds et deux pelés, des chevaux de remonte et une inex-périence, qui, loin de nous divertir, nous émeut profondément. Et voilà que les équipages se refont, qu’on demande des conseils, qu’on rapprend à sonner et qu’on s’habille peu à peu, car la chasse à courre doit être belle. On reprend Un cerf sur ses fins. Phot. G. Dre