1)UVEINE 7,6:IDÉE Eqmoteuà ZÉLANDE 11011,110111 DES NUIS DU SUD RARAHU naquit au mois de janvier 1858, dans File de Bora-Bora, située par 160 de latitude australe et 154v de longitude ouest ». Par cette phrase précise comme un livre de bord Pierre Loti met au monde celle qui devait devenir l’héroïne de son « mariage » et faire rêver toute une génération en quête d’exotisme. De Bora-Bora Loti nous laisse également deux dessins exacts et charmants qui ornent la première édition illustrée de son livre océanien. Hérissée de clochetons, cravatée de nuages alanguis, l’île montagneuse semble sortir d’un paysage fantomatique de Victor Hugo. Mais c’est bien Bora-Bora, cette silhouette d’un roman-tisme échevelé, reconnaissable entre mille dernière borne avant l’immensité du Pacifique, plantée à l’extrémité des îles Sous-le-Vent, à plus de 15o milles de Tahiti. Ce grand cône de verdure n’est qu’un ancien cratère égueulé sur la mer, entouré à faible distance par un récif de corail qui enclôt un plan d’eau calme; une He de couleur, étageant sur 700 mètres de haut un amoncellement de teintes chatoyantes depuis les vert-de-gris du mont Pahia jus-qu’aux bleus dégradés du lagon, en passant par l’infinie variété des pentes chargées de cocotiers et de brousse chaude. Couverte de végétation jusqu’au sommet, Ille n’est cependant pas humide comme certaines de ses voisines. Moins fertile, elle est aussi beaucoup plus saine ; la lèpre, l’éléphantiasis y sont rares. Quelques mois avant la guerre, époque où furent prises ces vues, l’île restait encore le « Paradis océanien » de Cook et de Bougainville. Un millier d’indigènes éparpillés sur les 25 kilomètres de bord de mer conservaient les traditions d’hospitalité, de gaîté, d’insouciance qui sont le vrai charme des Polynésiens. Sans penser au lendemain, ils péchaient, chassaient, dansaient et chantaient selon l’humeur du moment. Sains et solides, relativement moins métissés que dans les autres fies, ils habitaient les mêmes cases de palmes que leurs aïeux ; leurs pirogues à balan-cier, leurs instruments primitifs, leurs coutumes n’avaient guère changé. En juin 1939 Alain Gerbault, revenu sur son bateau noir, avait mouillé l’ancre en face de Vaitapé, le village-capitale. « Bora-Bora est toujours mon île préférée », me disait-il. Chaque jour on pouvait le voir se rendre à. terre sur son kayak de toile guère plus long que lui et dont il se servait avec une adresse qu’admiraient les Tahitiens. En 50 dehors de l’agent spécial, nous étions les seuls blancs de Ille. Ces photographies devaient fixer l’image d’un monde anachronique auquel l’impitoyable progrès ne laissait que peu de temps à vivre. Voici le mont Pahia, dont le profil fantasmagorique change vingt fois à mesure qu’on en fait le tour. Là, une vahiné se baigne dans le lagon en laissant flotter sa chevelure de sirène. Une autre ramasse les fleurs de frangipaniers aux pétales de cire blanche dont elle fera des colliers pour les danses exécutées en groupe sous les flamboyants orangés. HélasI La guerre n’est-elle pas le grand accélérateur de la marche du temps ? La rade Bora-Bora, la meilleure du Pacifique oriental, fut transformée par les Américains en base aérienne. Actuellement une route bétonnée fait le tour de File ; Vaitapé possède usine électrique et cinéma ; l’îlot Toopua, situé près de la passe, est nivelé en piste d’envol. Mais ces tristes améliorations ne touchent-elles que la nature 7 Qu’est-il advenu de la mentalité d’un peuple demeuré jusqu’ici à l’écart du monde civilisé 7 Charmants enfants de l’école pépiant en chœur une fable de La Fon-taine méconnaissable I Cher instituteur-artiste qui se glorifiait d’être « le seul élève tahitien de Christian Caillard », peintre qui séjourna longtemps là-bas. Digne chef d’Anau qui vivait largement avec les 1.700 francs par an que lui rapportaient ses fonctions officielles… Que reste-t-il de tout le bonheur primitif de ce petit peuple sans besoins et sans haines ? Un peu partout dans le monde, des « parcs nationaux » sont créés, témoignages inconscients du remords de l’homme destructeur devant la nature. Pourquoi ne pas faire de cette terre heureuse une « réserve » du Pacifique français, afin de conserver pour les générations à venir l’image vivante du Paradis, des horizons perdus… Puisque nous avons commencé par Loti, terminons par Loti. En 1898 fut représentée à l’Opéra-Comique « l’Ile du rêve », idylle océanienne, dont Reynaldo Hahn écrivit la musique. En voici la première strophe « O pays de Bora-Bora, Grand morne bercé par le flot sonore… » Et ceci sera notre adieu aux Edens des mers du Sud. BERNARD VILLARET. Born-Born est en