na ou/ 1) ou le plaisir de peindre LES pinceaux, la toile, la palette cirée et prête, une simple feuille de Rives sont pour Raoul Dufy des appels à un travail enchanté, une promesse de bonheur. Ce peintre, ouvert à toute connaissance, a la très rare faculté d’oublier ce qu’il sait pour aller à ce qu’il ne sait pas. Au delà du rationnel, au-dessus de la navrante réalité que nous avons présentement sous les yeux se recompose pour lui, dans toute sa fraîcheur, une naïveté seconde, laquelle — le fait est assez rare pour être souli-gné — a pour moyen d’expression un langage subtil, conscient, très complexe, quoique facile en apparence l’écriture imagée. D’où ce mélange inattendu de savoir et d’ingénuité, d’évidence et de secret qui fait de cette 38 peinture, qu’on croit saisir au premier coup d’œil, l’une des plus difficiles à comprendre. Dufy est de ceux dont la profondeur se cache sous l’élégance d’un mouvement rapide. Je pense à Mozart, à Stendhal. Comme eux, le peintre n’a pas son pareil pour recouvrir d’un charme qu’on dirait improvisé les mystères de son art; mais ce sont des mystères scintillants, des mystères joyeux. Les temps difficiles qu’il a vécus, les douleurs physiques qu’il endure, rien ne saurait entamer son entrain, sa ferveur toujours neuve. A ces mécomptes, auxquels s’ajoutent les tribulations de notre monde en train de changer et duquel il ne se retranche pas, Dufy oppose stoïquement une extrême distinction de caractère,